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La Légion Des Damnés

La Légion Des Damnés

Titel: La Légion Des Damnés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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police.
    — On est cuit, me souffla Fleischmann. Bons pour le poteau ou la Sibérie.
    Ce chuchotement nous valut une grêle de coups de crosse qui nous assomma plus qu'à moitié, mais quelques coups de pied dans le ventre nous remirent rapidement d'aplomb. La voiture s'engouffra sous le portail d'une immense prison. Nous traversâmes un labyrinthe de cours intérieures fermées par des herses ; puis on nous introduisit, à coups de botte, dans le bureau d'un officier de la G.P.U. dont le poing était déjà fermé pour nous recevoir. Exactement le régime que les SS m'avaient infligé à mon arrivée au camp de Lengries.
    Après avoir enregistré nos déclarations — nous affirmâmes, l'un comme l'autre, que nous étions citoyens danois — l'officier nous fit boucler dans une cellule qui contenait déjà deux douzaines de prisonniers. Nos codétenus étaient là pour les délits, civils et politiques, concevables. Un sergent de l'Armée Rouge, qui avait tranché la gorge de son épouse à l'aide d'un couteau à pain, nous dit avec l'assurance de l'expert :
    — On va vous expédier dans un camp de travail, d'ici deux ou trois mois. Si vous savez vous débrouiller, vous y vivrez en pères peinards. L'essentiel est d'en faire le moins possible. Tâchez aussi de vous concilier les bonnes grâces d'un gars de la G.P.U. en « organisant les choses à sa place, dans l'atelier où vous serez balancés ; mais là, bien sûr, il faut agir avec doigté et ne pas commettre d'impairs...
    Il y avait également un professeur titulaire d'un prix Staline et maintenant inculpé d'activités hostiles à l'Etat. Tarif pour ce genre de crime : vingt-cinq ans de travaux forcés. Il nous dit que nous ne sortirions jamais légalement de Russie, et nous conseilla de filer à la première occasion favorable.
    Nous nous allongions par roulement, car le sol de la cellule était tout juste assez vaste pour recevoir une douzaine d'hommes. Dans un coin, trônait un seau « hygiénique » sans couvercle, dont l'odeur intolérable saturait nos vêtements. Nous crevions de faim, nous étions infestés de poux, mais nous n'avions pas froid, au contraire : la température était telle, à l'intérieur de la prison, que nous transpirions nuit et jour, comme dans un bain turc. En grimpant sur les épaules d'un de nos « collègues », nous pouvions voir une grande cour dans laquelle on exécutait, chaque nuit, des douzaines de prisonniers, hommes et femmes. Les sons qui restent associés, dans ma mémoire, aux images lugubres de cette prison, sont ceux des salves nocturnes et des moteurs de gros camions. Comme tous les transports utilitaires, celui des prisonniers, morts ou vifs, n'avait lieu, à Moscou, que la nuit.
    Nous fûmes interrogés, de nouveau, par un jeune commissaire. Pendant cinq heures, nous dûmes lui parler de nous-mêmes, de nos familles. Deux jours plus tard, on nous reposa exactement toutes les mêmes questions, mais dans un ordre différent. Après quarante-huit heures de ces interrogatoires pratiquement ininterrompus, nous commençâmes à perdre les pédales et à nous contredire. Ils tentèrent alors, en hurlant, de nous faire avouer que nos déclarations précédentes n'étaient qu'un tissu de mensonges, et que nous étions des SS déguisés.
    Après ça, on nous laissa tranquilles pendant trois jours. Puis nous passâmes en jugement. Un jugement qui dura cinq minutes et qui se solda, pour Fleischmann, par quinze ans de travaux forcés, pour moi, par dix ans de la même peine. La raison de cette différence ? Mystère. Nous ne savions même pas de quoi nous étions accusés.
    Un beau jour, on nous conduisit à la gare en compagnie de deux cents autres prisonniers des deux sexes qu'on entassa au petit bonheur dans des wagons de marchandises. Un homme fut désigné, dans chaque wagon, pour tenir le rôle de « prisonnier en chef ». Ces « prisonniers en chef » étaient, bien entendu, les tètes de Turc favorites des hommes de la G.P.U., et paieraient très cher, le cas échéant, toute disparition d'un de leurs compagnons d'infortune.
    Ceux de notre wagon provenaient de toutes les classes de la société. Un paysan grossièrement chaussé de feutre, affublé de vêtements capitonnés, gisait près d'un homme d'un certain âge, vêtu d'un complet gris crasseux et chiffonné, mais de bonne coupe, et possesseur en outre d'une paire de vraies chaussures, apanage exclusif 'des classes supérieures. En face de moi, était assise

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