La Liste De Schindler
avec les partisans tchèques. Oskar et sa suite, à un moment distancés, se retrouvèrent en plein milieu des partisans. « Très bon Herr messieurs-dames », jargonnait Oskar en montrant son petit groupe, échappés camp de travail. SS partis. Herr Direktor, parti. Ça est automobile Herr Direktor. »
Les Tchèques leur demandèrent s’ils avaient des armes. Reubinski, sorti du camion pour discuter, avoua qu’ils étaient en possession d’un fusil.
— Très bien, dit l’un des partisans. Vous feriez mieux de nous le donner. Si les Russes vous prennent avec une arme, ils pourraient ne pas comprendre. De toute façon, vos uniformes de prisonniers vous protégeront suffisamment.
Ils firent comprendre à Oskar et à sa troupe qu’il serait idiot de continuer à circuler sur des routes aussi peu sûres. Ils les dirigèrent sur une antenne de la Croix-Rouge tchécoslovaque où ils pourraient au moins trouver un abri pour la nuit.
Mais quand ils arrivèrent en ville, les officiels de la Croix-Rouge leur proposèrent d’aller coucher dans la prison municipale, l’endroit sans doute le plus sûr de la ville dans ces moments incertains entre guerre et paix. Le petit groupe abandonna ses véhicules sur la place, bien en vue des bureaux de la Croix-Rouge, et, muni de quelques bagages, alla dormir dans les cellules grandes ouvertes de la prison.
Le lendemain matin, les véhicules n’avaient plus du tout le même aspect : tout avait été démonté. Le capitonnage de la Mercedes était parti avec les diamants, le camion n’avait plus de pneus, et il ne restait plus des moteurs que le bloc. Les Tchèques furent très philosophes : « Nous devons tous nous attendre à perdre quelque chose dans des époques pareilles. » Peut-être soupçonnaient-ils Oskar, avec ses cheveux clairs et ses yeux bleus, d’être un SS en fuite.
Privé désormais de moyen de transport automobile, le petit groupe toujours en tenue rayée monta dans un train partant vers le sud en direction de Kaplice. Reubinski précisa qu’ils voyagèrent « jusqu’à la lisière de la forêt » et que, une fois là , « ils partirent à pied ». Dans cette région boisée située au nord de Linz, ils ne manqueraient pas de se trouver bientôt nez à nez avec les Américains.
De fait, après quelques heures de marche, ils tombèrent sur deux G.I.’s gardant une petite route en mâchonnant du chewing-gum. Un membre du groupe qui parlait l’anglais leur adressa la parole.
— Nous avons des ordres, dit un des soldats. Nous ne devons laisser personne passer sur cette route.
— Et par la forêt, c’est défendu ?
Le soldat continuait à mâcher son chewing-gum en réfléchissant. Drôle de race de ruminants !
— Je suppose que non, finit-il par dire.
Ils marchèrent dans la forêt pendant encore une demi-heure, et se retrouvèrent à nouveau sur la route où ils rencontrèrent une compagnie d’infanterie remontant vers le nord en colonne par deux. Le membre du groupe qui faisait office d’interprète s’adressa aux hommes de tête, et bientôt le commandant de l’unité, un capitaine, arriva en jeep pour les interroger. Désormais, il était inutile de biaiser. Ils annoncèrent qu’ils étaient juifs et qu’ils avaient travaillé pour Oskar, Herr Direktor. Ils pensaient être en terrain ami car ils savaient par la B.B.C. que les armées américaines comprenaient un bon nombre de soldats d’origine allemande ou juive.
— Ne bougez pas, dit le capitaine.
Il partit sans fournir d’explications, les laissant un peu perplexes entre les mains de jeunes soldats qui leur offraient des cigarettes de Virginie. Ces cigarettes, comme tout le reste, d’ailleurs – les jeeps, les équipements, les uniformes –, leur semblaient provenir d’un monde où tout était plus grand, plus beau, plus riche.
Emilie et les autres se faisaient du souci pour Oskar. Allait-il être retenu prisonnier ? Lui, impavide, s’était assis dans l’herbe où il respirait avec délices les effluves printaniers que dégageaient les bois. Il avait sa lettre en hébreu et pensait que ça devait suffire. Au bout d’une demi-heure, un groupe de G.I.’s dont l’allure était rien moins que militaire apparut. C’étaient des soldats juifs accompagnés d’un rabbin. Ils embrassèrent tout le monde, y compris Oskar et Emilie.
— Vous êtes les premiers survivants des camps que nous rencontrons, leur dirent-ils.
Quand l’émotion fut un peu
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