Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
qu’y
deviendrait-elle, seule et sans appui ? Or, les cardinaux, à ce qu’on dit,
ne se montrent pas près de céder… Ou bien la garder ici en attendant le retour
de mon neveu ? Voilà qui me sourirait. Mais non, je ne le puis ; j’ai
demandé à Bouville d’agir en sa faveur ; quelle figure aurais-je
maintenant, à négliger la peine qu’il s’est donnée ? Et si l’abbesse en
plus est cousine des Cressay, et qu’il vienne à ces nigauds l’idée de lui
demander nouvelles… Allons ! Que la tête ne me tourne pas, à moi
aussi ! Elle ira au couvent…»
    — … mais pas pour toute la
vie, dit-il en continuant à haute voix. Il n’est pas question de vous faire
prendre le voile. Acceptez sans trop de plainte ces quelques mois parmi les
nonnes. Je vous promets, quand votre enfant sera né, d’arranger vos affaires
pour que vous viviez heureuse avec mon neveu.
    Marie lui saisit la main et y posa
ses lèvres. Il en fut gêné ; la bonté n’était pas dans sa nature, et son
métier l’avait peu habitué aux expressions de gratitude.
    — Il me faut maintenant vous
remettre aux soins du comte de Bouville, dit-il. Je vais vous conduire à lui.
    De la rue des Lombards au palais de
la Cité, la route n’était pas longue. Marie la parcourut, au côté de Tolomei,
dans un état de surprise émerveillée. Elle n’avait jamais vu de grande
ville ; le mouvement de la foule sous le soleil de juillet, la beauté des
maisons, le nombre et la profusion des boutiques, le scintillement des
étalages, tout le spectacle la transportait dans une sorte de féerie. « Le
bonheur, le bonheur, se disait-elle, que de vivre ici, et quel homme aimable
est l’oncle de Guccio, et quelle bénédiction qu’il veuille bien nous
protéger ! Oh ! Oui, comme je subirai sans me plaindre le temps du
couvent ! » Ils passèrent le Pont-au-Change et entrèrent dans la
Galerie mercière encombrée de ses éventaires.
    Tolomei ne put s’empêcher, pour le
plaisir de s’entendre encore remercier, d’acheter une aumônière de ceinture,
brodée de petites perles, qu’il offrit à Marie.
    — C’est de la part de Guccio.
Il faut bien que je le remplace !
    Ils s’engagèrent ensuite dans le
grand escalier du Palais. Ainsi, d’avoir fauté avec un jeune Lombard valait à
Marie de Cressay de pénétrer dans la demeure des rois.
    Il régnait à l’intérieur du Palais
cette agitation, cet affairement réel ou simulé qu’on remarquait en tous lieux
où se trouvait le comte de Valois. Ayant franchi galeries et salles en enfilade
où se pressaient, se croisaient, s’interpellaient chambellans, secrétaires,
officiers et solliciteurs, Tolomei et la jeune fille parvinrent dans une partie
un peu retirée, derrière la Sainte-Chapelle, et qui donnait sur la Seine et
l’île aux Juifs. Une garde de gentilshommes en cotte d’armes leur barra le
passage. Nul ne pouvait pénétrer dans les appartements réservés à la reine
Clémence sans l’autorisation des curateurs. Tandis qu’on allait chercher le
comte de Bouville, Tolomei et Marie attendirent dans l’embrasure d’une fenêtre.
    — C’est là, voyez-vous, qu’on a
brûlé les Templiers, dit Tolomei en désignant l’île.
    Le gros Bouville arriva, toujours
équipé en guerre, la bedaine roulant sous l’étoffe d’acier, et le pas décidé
comme s’il allait commander un assaut. Il fit écarter la garde. Tolomei et
Marie traversèrent une première pièce où un vieillard desséché, vêtu d’une robe
de soie, et la peau tavelée comme un parchemin, dormait, assis dans une
cathèdre. C’était le sénéchal de Joinville. Deux écuyers, auprès de lui,
jouaient silencieusement aux échecs. Puis les visiteurs passèrent dans le
logement du comte de Bouville.
    — Madame Clémence reprend-elle
un peu ? demanda Tolomei à Bouville.
    — Elle pleure moins, répondit
le curateur, ou plutôt elle montre moins ses pleurs, comme s’ils lui coulaient
tout droit dans la gorge. Mais elle reste durement ébaubie. Et puis la chaleur
d’ici ne lui vaut rien dans son état, et elle a souvent des défaillances et des
tournements de tête.
    « Ainsi, la reine de France est
à côté, pensait Marie avec une intense curiosité. Peut-être vais-je lui être
présentée ? Oserai-je lui parler de Guccio ? »
    Elle assista ensuite à une longue
conversation, à laquelle elle ne comprit que peu, entre le banquier et l’ancien
grand chambellan. À certains noms

Weitere Kostenlose Bücher