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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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brodé d’argent qui semblait en imposer fort et prenait des airs
de souverain ; puis la troupe s’ébranla, et la chaleur de l’après-midi
s’appesantit sur les cours et les jardins du Palais.
    Vers la fin du jour, madame de
Bouville vint chercher Marie. Accompagnées de quelques valets et montées sur
des mules sellées de bâts « à la planchette » où l’on s’asseyait de
côté, les pieds posés sur une petite planche, les deux femmes traversèrent
Paris. Elles virent des attroupements un peu partout, et même aperçurent la fin
d’une rixe qui avait éclaté sur le seuil d’une taverne entre des partisans du
comte de Valois et des gens du duc de Bourgogne. Les sergents du guet, à coups
de masse, rétablissaient l’ordre.
    — La ville est chaude, dit
madame de Bouville. Je ne serais point surprise si la journée de demain nous
amenait l’émeute.
    Par le mont Sainte-Geneviève et la
porte Saint-Marcel, elles sortirent de Paris. Le crépuscule tombait sur les
faubourgs.
    — Du temps que j’étais jeune,
dit madame de Bouville, on ne voyait guère ici plus de vingt maisons. Mais les
gens ne savent plus où se loger en ville, et construisent sans cesse sur les
champs.
    Le couvent des Clarisses était
entouré d’un haut mur blanc qui enfermait les bâtiments, les jardins et les
vergers. On distinguait, auprès d’une porte basse, un tour ménagé dans
l’épaisseur de la pierre.
    Une femme qui marchait le long de la
muraille, la tête couverte, s’approcha du tour et y déposa rapidement un paquet
entortillé de linges ; puis elle fit tourner le tambour de bois, tira la
cloche et, voyant qu’on approchait, s’enfuit en courant.
    — Qu’a-t-elle fait ?
demanda Marie.
    — Elle vient d’abandonner là un
enfant sans père, répondit madame de Bouville en regardant Marie d’un air
sévère. C’est ainsi qu’on les recueille. Allons, marchez.
    Marie pressa sa mule. Elle pensait
qu’elle aurait pu, elle aussi, être forcée un jour proche de déposer son enfant
dans un tour, et considéra que son sort était encore bien enviable.
    — Je vous fais merci, Madame,
de prendre si grand soin de moi, murmura-t-elle les larmes aux yeux.
    — Eh ! Enfin vous
prononcez une bonne parole, répondit madame de Bouville.
     

VII

LES PORTES DU PALAIS
    Le même soir, le comte de Poitiers se
trouvait au château de Fontainebleau, où il devait coucher ; c’était sa
dernière étape avant Paris. Il achevait de souper, en compagnie du dauphin de
Viennois, du comte de Savoie et des membres de sa nombreuse escorte, lorsqu’on
vint lui annoncer l’arrivée des comtes de Valois, de la Marche et de Saint-Pol.
    — Qu’ils entrent, qu’ils
entrent tout aussitôt, dit Philippe de Poitiers.
    Mais il n’eut pas le moindre mouvement
pour aller au-devant de son oncle. Et quand celui-ci, le pas martial, le menton
haut et les vêtements poudreux, apparut, Philippe se contenta de se lever et
d’attendre. Valois, un peu décontenancé, resta quelques secondes sur le pas de
la porte, regarda l’assistance. Philippe s’obstinant à demeurer immobile, il
dut se décider à avancer. Chacun se taisait, les observant. Quand Valois fut
assez près, le comte de Poitiers le prit alors aux épaules et le baisa sur les
deux joues, ce qui pouvait passer pour un geste de bon neveu mais qui, venant
d’un homme qui n’avait pas bougé de sa place, paraissait plutôt un geste de
roi.
    Cette attitude irrita non seulement
Valois, mais également Charles de La Marche qui pensa « N’avons-nous fait
tout ce chemin que pour recevoir tel accueil ? Après tout, je suis égal à
mon frère ; pourquoi se permet-il de nous traiter de si haut ? »
    Une expression amère, jalouse,
déformait un peu son beau visage aux traits réguliers, mais sans intelligence.
    Philippe lui tendit les bras, La
Marche ne put faire autrement que d’accepter une brève accolade. Mais aussitôt,
il dit, désignant Valois, et d’un ton qui se voulait d’autorité.
    — Philippe, voyez ici notre
oncle, le plus aîné de la couronne. Nous vous louons que vous vous accordiez à
lui et qu’il ait le gouvernement du royaume. Car trop serait ce royaume en
péril d’être remis à l’attente d’un enfant qui est encore à naître, et ne
saurait donc royaume gouverner.
    La phrase avait une ambiguïté et une
ampoule qui ne pouvaient être du cru de Charles de La Marche. Celui-ci répétait
évidemment des paroles serinées. La fin de la

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