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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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mot à quiconque, tout à l’heure, dans
l’assemblée.
    — C’est vrai qu’il y a
l’assemblée ! Ce gaillard-là me le faisait oublier ! s’écria Mahaut
en tendant la main dans le berceau. Il est grand temps de me parer, et d’avaler
un morceau pour être d’attaque. Je me sens toute creuse, à avoir été si tôt
éveillée. Philippe, vous allez bien me faire raison. Béatrice, Béatrice !
    Elle frappa dans ses paumes, et
réclama un pâté de brochet, des œufs bouillis, du fromage blanc aux épices, de
la confiture de noix, des pêches, et du vin blanc de Château-Chalon.
    — C’est vendredi ; il faut
faire maigre, dit-elle. Le soleil, apparaissant par-dessus les toits de la
ville, inonda de lumière cette famille heureuse.
    — Mange un peu. Du pâté de
brochet, cela ne peut te peser, disait Mahaut à sa fille.
    Philippe se leva bientôt, pour aller
mettre la dernière main aux préparatifs de la réunion.
    — Ma mie, on ne viendra point
vous porter compliments aujourd’hui, dit-il à Jeanne en montrant les coussins
disposés en demi-cercle autour du lit pour les visiteurs. Mais je gage que vous
aurez grand monde demain.
    Au moment où il allait sortir,
Mahaut le rattrapa par la manche.
    — Mon fils, songez un peu à
Blanche, qui est toujours à Château-Gaillard. C’est la sœur de votre épouse.
    — J’y songerai, j’y songerai.
Je verrai à lui faire sort meilleur.
    Et il s’éloigna, emportant à sa
semelle un iris écrasé.
    Mahaut referma la porte.
    — Allons, les berceresses,
s’écria-t-elle, chantonnez un peu !
     

X

L’ASSEMBLÉE DES TROIS DYNASTIES
    Du fond de ses appartements, la reine
Clémence entendit les « hauts hommes » se rendre à l’assemblée ;
le tumulte de leurs voix se répercutait sous les voûtes et dans les cours.
    La réclusion de quarante jours, que
les rites du deuil imposaient à la reine, venait de prendre fin la veille.
Clémence, ingénument, avait cru la date de la réunion choisie tout exprès pour
lui permettre d’y assister. Aussi s’était-elle préparée à cette réapparition
solennelle avec intérêt, curiosité, impatience même, et comme si elle reprenait
goût à vivre. Mais, à la dernière minute, un conseil de médecins, parmi
lesquels les physiciens personnels du comte de Poitiers et de la comtesse
Mahaut, lui avait interdit de s’exposer à une fatigue jugée dangereuse pour son
état.
    Cette décision, en vérité,
satisfaisait les divers partis de la cour, car personne ne se souciait de faire
valoir les droits de Clémence à la régence. Pourtant, puisque l’on cherchait
avec tant d’opiniâtreté, dans les coutumes du royaume, des précédents dont
s’inspirer, on ne pouvait manquer de se souvenir d’Anne de Kiev, veuve
d’Henri I er , partageant le gouvernement avec son beau-frère
Beaudoin de Flandre « par cette qualité indélébile qui lui avait été
conférée par le sacre » ; et l’exemple, plus proche encore, de la
reine Blanche de Castille, était présent aux mémoires [10] .
    Mais le dauphin de Viennois,
beau-frère de Clémence et le plus naturellement désigné pour la défendre, avait
partie liée avec Philippe de Poitiers.
    Mais Charles de Valois, bien qu’il
se donnât comme le grand protecteur de sa nièce, ne songeait qu’à travailler
pour lui-même.
    Mais le duc Eudes de Bourgogne qui
était là, ainsi qu’il le déclarait, en représentant de la succession de sa sœur
Marguerite, souhaitait en premier chef l’éviction de Clémence.
    Restée trop peu de mois au trône
pour s’y être fait connaître et y avoir pris ascendant sur les barons, la belle
Angevine n’était déjà plus considérée que comme la survivante d’un règne bref,
troublé, et à maints égards calamiteux.
    — Elle n’a pas porté chance au
royaume, disait-on.
    Et si l’on tenait compte d’elle en
tant que future mère, on lui marquait bien que comme reine elle avait cessé
d’exister.
    Enfermée dans l’aile du palais, elle
entendit décroître les voix ; l’assemblée entrait en séance dans la salle
du Grand Conseil dont on fermait les portes.
    « Mon Dieu, mon Dieu,
pensa-t-elle, pourquoi ne suis-je restée à Naples ! »
    Et elle se mit à sangloter en
songeant à son enfance, à la mer bleue, à ce peuple grouillant, bruyant,
généreux, compatissant à la douleur, son peuple qui savait si bien aimer…
    Pendant ce temps, Miles de Noyers
lisait aux barons le règlement de

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