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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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comme vous le savez, Blanche vient d’en
mourir cette semaine ! Elle était innocente, mes filles étaient
innocentes !
    Le gros doigt de Mahaut, un index
dur comme un bâton, prend le ciel à témoin. Et pour faire plaisir à son alliée
du moment, elle ajoute, se tournant vers Jeanne la Boiteuse :
    — Ta sœur était sûrement
innocente, ma pauvre Jeanne, et tous nous avons subi le malheur à cause des
calomnies d’Isabelle, et ma poitrine de mère en a saigné.
    Si elle continue de la sorte, elle
va faire pleurer l’assemblée ; mais Robert lui lance :
    — Innocente, votre
Blanche ? Je veux bien, ma tante, mais ce n’est tout de même point le
Saint-Esprit qui l’a engrossée en prison !
    Le roi Charles le Bel a une grimace
nerveuse. Robert, vraiment, n’avait pas besoin de rappeler cela.
    — Mais c’est le désespoir qui a
poussé là ma fillette ! crie Mahaut toute rebiffée. Qu’avait-elle à
perdre, cette colombe, souillée de calomnies, mise en forteresse et à demi
folle ? À tel traitement, je voudrais bien savoir qui pourrait résister.
    — Je fus en prison, moi aussi, ma
tante, au temps où, pour vous plaire, votre gendre Philippe le Long m’y plaça.
Je n’ai point engrossé pour autant la femme du geôlier ni, par désespoir, ne me
suis servi du porte-clefs pour épouse, comme il paraît que cela se fait dans
notre famille anglaise !
    Ah ! le connétable commence à
reprendre de l’intérêt au débat.
    — Et qui vous dit d’ailleurs,
mon neveu qui vous plaisez si fort à salir la mémoire d’une morte, qu’elle n’a
pas été prise de force, ma Blanche ? On a bien étranglé sa cousine dans la
même prison, dit Mahaut en regardant Robert dans les yeux ; on peut avoir
violé l’autre ! Non, Sire mon fils, poursuit-elle en revenant au roi,
puisque vous m’avez appelée à votre Conseil…
    — Nul ne vous a appelée, dit
Robert, vous êtes bien venue de vous-même.
    Mais on ne coupe pas aisément la
parole à la vieille géante.
    — … alors ce conseil, je
vous le donne, et d’un cœur de mère que je n’ai jamais cessé d’avoir pour vous,
en dépit de tout ce qui eût pu m’éloigner. Je vous le dis, Sire Charles :
chassez votre sœur de France, car chaque fois qu’elle y est revenue, la
couronne a connu un malheur ! L’année que vous fûtes fait chevalier avec
vos frères et mon neveu Robert lui-même qui s’en doit souvenir, le feu prit à
Maubuisson pendant le séjour d’Isabelle, et peu s’en fallut que nous ne
fussions tous grillés ! L’année suivante, elle nous amena ce scandale qui
nous a couverts de boue et d’infamie, et qu’une bonne fille du roi, une bonne
sœur de ses frères, même s’il y avait eu quelque ombre de vérité, se serait dû
de taire, au lieu d’aller clabauder partout, avec l’aide de qui je sais !
Et encore du temps de votre frère Philippe, quand elle vint à Amiens pour
qu’Édouard rendît l’hommage, qu’est-il survenu ? Les pastoureaux ont
ravagé le royaume ! Et je tremble à présent, depuis qu’elle est de
retour ! Car vous attendez un enfant, qu’on espère mâle, puisqu’il vous
faut donner un roi à la France ; alors je vous le dis bien, Sire mon
fils : tenez cette porteuse de malheur distante du ventre de votre épouse !
    Ah ! elle a bien ajusté son
carreau d’arbalète. Mais Robert déjà riposte.
    — Et quand notre cousin Hutin a
trépassé, très bonne tante, où était donc Isabelle ? Point en France, que
je sache. Et quand son fils, le petit Jean le Posthume, s’est éteint tout
brusquement dans vos bras, où vous le teniez, très bonne tante, où était
Isabelle ? Dans la chambre de Louis ? Parmi les barons
assemblés ? Peut-être la mémoire me manque, je ne la revois pas. À moins,
à moins que ces deux trépas de rois ne soient pas, dans votre pensée, à compter
parmi les malheurs du royaume.
    La gredine a affaire à plus fort
gredin. Si deux paroles encore viennent à s’échanger, on va s’accuser
clairement d’assassinat !
    Le connétable connaît cette famille
depuis près de soixante ans. Il plisse ses yeux de tortue :
    — Ne nous égarons point,
dit-il, et revenons, Messeigneurs, au sujet qui demande décision.
    Et quelque chose passe dans sa voix
qui rappelle, soudain, le ton des conseils du Roi de fer.
    Charles le Bel caresse son front
lisse et dit :
    — Si, pour donner satisfaction
à Édouard, on faisait sortir messire de Mortimer du

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