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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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en juillet pourraient bien se
renouveler. Édouard n’est guère dangereux par lui-même, je vous l’accorde, mais
il est prétexte à l’agitation de nos ennemis. Veuillez enfin, je vous prie,
émettre cet ordre que je vous conseille et sans lequel il n’y aura point de
sécurité ni pour vous ni pour votre fils.
    Isabelle eut un soupir de lassitude
excédée. Que ne donnait-il lui-même cet ordre ? Que ne prenait-il la
décision à son compte, lui qui faisait la pluie et le soleil dans le
royaume ?
    — Gentil Mortimer, dit-elle
calmement, je vous ai déjà répondu qu’on n’obtiendrait point cet ordre de moi.
    Roger Mortimer ferma la
fenêtre ; il craignait de s’emporter.
    — Mais pourquoi, à la parfin,
dit-il, avoir subi tant d’épreuves et couru si grands risques pour devenir à
présent l’ennemie de votre propre sûreté ?
    Elle secoua la tête et
répondit :
    — Je ne puis. J’aime mieux
courir tous les hasards que d’en venir à cette issue. Je t’en prie, Roger, ne
souillons pas nos mains de ce sang-là.
    Mortimer eut un ricanement bref.
    — D’où te vient, répliqua-t-il,
ce soudain respect du sang de tes ennemis ? Le sang du comte d’Arundel, le
sang des Despensers, le sang de Baldock, tout ce sang-là qui coulait sur les
places des villes, tu n’en as pas détourné les yeux. J’avais même cru,
certaines nuits, que le sang te plaisait assez. Et lui, le cher Sire, n’a-t-il
pas les mains plus rouges que les nôtres pourront jamais l’être ?
N’aurait-il pas volontiers versé mon sang et le tien, si nous lui en avions
laissé le loisir ? Il ne faut pas être roi, Isabelle, si l’on a peur du
sang, il ne faut pas être reine ; il faut se retirer dans quelque couvent,
sous un voile de nonne, et n’avoir ni amour ni pouvoir !
    Ils s’affrontèrent un moment du
regard. Les prunelles couleur de silex brillaient trop fort sous les sourcils
épais, à la lueur des chandelles ; la cicatrice blanche ourlait une lèvre
au dessin trop cruel. Isabelle fut la première à baisser les yeux.
    — Rappelle-toi, Mortimer, qu’il
t’a fait grâce autrefois, dit-elle. Il doit penser à présent que s’il n’avait
pas cédé aux prières des barons, des évêques, à mes propres prières, et t’avait
fait décapiter comme il en a ordonné de Thomas de Lancastre…
    — Non point, non point, je m’en
souviens, et justement je ne voudrais pas avoir à connaître un jour des regrets
semblables aux siens. Je trouve cette compassion que tu lui portes bien étrange
et bien obstinée.
    Il prit un temps.
    — L’aimes-tu donc encore ?
ajouta-t-il. Je ne vois point d’autre raison.
    Elle haussa les épaules.
    — C’est donc pour cela,
dit-elle, pour que je te fournisse une preuve de plus ! Cette fureur de
jaloux ne s’éteindra donc jamais en toi ? Ne t’ai-je pas assez montré
devant tout le royaume de France, et tout celui d’Angleterre, et devant mon
fils même, que je n’avais au cœur d’autre amour que le tien ? Mais que me
faut-il faire ?
    — Ce que je te demande, et rien
d’autre. Mais je vois que tu ne veux pas t’y résoudre. Je vois que la croix que
tu te fis au cœur, devant moi, et qui devait nous allier en tout, et ne nous
donner qu’une volonté, n’était pour toi que simulacre. Je vois bien que le
destin m’a fait engager ma foi à une créature faible !
    Oui, un jaloux, voilà ce qu’il
était ! Régent tout-puissant, nommant aux emplois, gouvernant le jeune
roi, vivant conjugalement avec la reine, et ceci aux yeux de tous les barons,
Mortimer demeurait un jaloux !… « Mais a-t-il complètement tort de
l’être ? » pensa soudain Isabelle. Le danger de toute jalousie est de
forcer celui qui en est l’objet à rechercher en lui-même s’il n’y a pas motif
aux reproches qu’on lui adresse. Ainsi s’éclairent certains sentiments auxquels
on n’avait pas pris garde… Comme c’était étrange ! Isabelle était sûre de
haïr Édouard autant que femme pouvait ; elle ne songeait à lui qu’avec
mépris, dégoût et rancune à la fois. Et pourtant… Et pourtant le souvenir des
anneaux échangés, du couronnement, des maternités, les souvenirs qu’elle
gardait non pas de lui, mais d’elle-même, le souvenir simplement d’avoir cru
qu’elle l’aimait, c’était tout cela qui la retenait à présent. Il lui semblait
impossible d’ordonner la mort du père des enfants qu’elle avait mis au monde…
« Et ils

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