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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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troisième épouse au roi, lequel
s’inquiétait, devenait aigre, et reprochait à chacun le manque d’héritier où se
trouvait le royaume.
    Lord Mortimer dut donc attendre
qu’on ait réglé cette affaire…
    Monseigneur de Valois eût volontiers
proposé une de ses dernières filles à marier, si les âges avaient pu
s’assortir ; malheureusement même l’aînée, celle qui avait été offerte
naguère au prince héritier d’Angleterre, ne comptait pas douze ans. Et Charles
le Bel n’était guère enclin à patienter.
    Restait une autre cousine germaine,
fille celle-là de Monseigneur Louis d’Évreux, défunt à présent, et nièce de
Robert d’Artois. Cette Jeanne d’Évreux n’avait guère d’éclat mais était bien
faite, et, surtout, elle avait l’âge requis pour être mère. Monseigneur de
Valois, plutôt que d’engager de longues et difficiles tractations au-delà des
frontières, encouragea toute la cour à pousser Charles vers cette union. Trois
mois après la mort de Marie de Luxembourg, une nouvelle dispense était demandée
au pape.
    Le mariage eut lieu le 5 juillet.
Quatre jours plus tôt, Charles avait décidé la confiscation de l’Aquitaine et
du Ponthieu pour révolte et défaut d’hommage. Le pape Jean XXII, comme il
le jugeait de sa mission chaque fois qu’éclatait un conflit entre deux
souverains, écrivit au roi Édouard, l’engageant à venir prêter l’hommage pour
qu’un des points du litige au moins fût apaisé. Mais l’armée de France était
déjà sur pied et se rassemblait à Orléans, tandis qu’une flotte s’équipait dans
les ports pour attaquer les côtes anglaises.
    Parallèlement, le roi d’Angleterre
avait ordonné quelques levées d’hommes en Aquitaine, et messire Ralph Basset
réunissait ses bannières ; le comte de Kent revenait en France, mais par
l’Océan cette fois, et pour exercer dans le duché la lieutenance que lui avait
commise son demi-frère.
    Allait-on partir ? Non, car il
fallut encore que Monseigneur de Valois courût à Bar-sur-Aube pour y conférer
avec Léopold de Habsbourg au sujet de l’élection au Saint Empire, et conclure
un traité par lequel Habsbourg s’engageait à ne point être candidat, moyennant
sommes d’argent, pensions et revenus dès à présent fixés, dans le cas où Valois
serait élu empereur. Roger Mortimer attendait toujours…
    Enfin le 1 er août, par
une chaleur écrasante où les chevaliers cuisaient comme en marmite sous leur
cuirasse, Charles de Valois, superbe, lourd, portant cimier à son casque et
cotte brodée d’or par-dessus son armure, se fit élever en selle. Il avait à ses
côtés son second fils, le comte d’Alençon, son neveu Philippe d’Évreux, nouveau
beau-frère du roi, le connétable Gaucher de Châtillon, Lord Mortimer de
Wigmore, et enfin Robert d’Artois qui, monté sur un cheval à sa taille, pouvait
surveiller toute l’armée.
    Monseigneur de Valois partant pour
cette campagne, sa seconde campagne de Guyenne, qu’il avait voulue, décidée,
fabriquée presque, était-il joyeux, heureux ou simplement satisfait ?
Nullement. Il était d’humeur morose, parce que Charles IV avait refusé de
signer sa commission de lieutenant général du roi en Aquitaine. Si quelqu’un
vraiment avait droit à ce titre, n’était-ce pas Charles de Valois ? Et
quel visage faisait-il, alors que le comte de Kent, ce damoiseau, ce
nourrisson, avait reçu, lui, la lieutenance du roi Édouard !
    Le roi Charles le Bel, qui n’était
capable de décider de rien, avait ainsi de brusques et bizarres obstinations à
refuser ce qu’on lui demandait de plus évidemment nécessaire. Charles de Valois
pestait ferme ce jour-là et ne cachait pas à ses voisins la petite opinion dans
laquelle il tenait son neveu et souverain. En vérité, ce niais couronné, cet
oison, valait-il qu’on se donnât tant de peine à gouverner pour lui le
royaume ?
    Le vieux connétable Gaucher de
Châtillon, qui commandait théoriquement l’armée, puisque Valois n’avait pas de
commission officielle, plissait ses paupières de tortue sous son heaume de
forme démodée. Il était un peu sourd, mais à soixante-quatorze ans, faisait
encore bonne figure en selle.
    Lord Mortimer avait acheté ses armes
chez Tolomei. Sous la ventaille levée de son casque, on voyait briller ses yeux
aux reflets durs, de la même couleur que l’acier neuf. Comme il marchait, par
la faute de son roi, contre son pays, il portait une

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