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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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son trône le roi
d’Angleterre votre époux.
    — Messer Tolomei, s’écria le
comte de Kent, comptez-vous pour rien que mon frère, tout détestable qu’il
soit, ait été couronné ?
    — My Lord, my Lord, répondit
Tolomei, les rois ne sont vraiment tels que du consentement de leurs sujets. Et
vous avez un autre roi tout prêt à donner au peuple d’Angleterre, ce jeune duc
d’Aquitaine qui semble montrer bien de la sagesse pour son jeune âge. J’ai
beaucoup vu les passions humaines ; je sais assez bien reconnaître celles
qui ne se défont point et entraînent les plus puissants princes à leur perte.
Le roi Édouard ne se déliera pas du Despenser ; mais en revanche,
l’Angleterre est toute disposée à acclamer tel souverain qu’on lui offrira pour
remplacer le mauvais sien et les méchants qui l’entourent… Certes, vous
m’opposerez, Madame, que les chevaliers qui s’offriront à combattre pour votre
cause seront chers à payer ; il faudra leur fournir harnois, vivres et
plaisirs. Mais nous, les Lombards, qui ne pouvons plus faire face à soutenir
votre exil, nous pourrions encore faire face à soutenir votre armée, si Lord
Mortimer dont la valeur n’est à personne inconnue s’engageait à en prendre la
tête… et si, bien sûr, il nous était garanti que vous repreniez à votre compte
les dettes de Messire Édouard, pour les acquitter le jour de votre succès.
    La proposition ne pouvait être plus
clairement faite. Les compagnies lombardes s’offraient à jouer la femme contre
le mari, le fils contre le père, l’amant contre l’époux légitime. Mortimer n’en
était point aussi surpris qu’on s’y serait attendu ni même n’affecta de l’être
lorsqu’il répondit :
    — La difficulté, messer
Tolomei, est de réunir ces bannières. Cela ne se fait point dans une cave. Où
pourrions-nous rassembler mille chevaliers que nous prendrons à notre
solde ? En quel pays ? Les convoquer en France, nous ne pouvons, si
bien disposé que soit le roi Charles envers sa sœur la reine.
    Il y avait de la connivence entre le
vieux Siennois et l’ancien prisonnier d’Edouard.
    — Le jeune duc d’Aquitaine, dit
Tolomei, n’a-t-il pas reçu en propre le comté de Ponthieu, qui vient de Madame
la reine, et le Ponthieu ne se trouve-t-il pas vis-à-vis l’Angleterre, et
jouxte le comté d’Artois où Monseigneur Robert, bien qu’il n’en soit pas le
tenant, compte force partisans, ainsi que vous le savez, my Lord, puisque vous
y fûtes abrité après votre évasion ?
    — Le Ponthieu… répéta la reine,
songeuse. Quel est votre conseil, gentil Mortimer ?
    L’affaire, pour se débattre
seulement de parole, n’en était pas moins une offre ferme. Tolomei était prêt à
délivrer quelque crédit à la reine et à son amant afin qu’ils puissent faire
face à l’immédiat et partir pour le Ponthieu organiser l’expédition. Et puis en
mai, il fournirait le gros des fonds. Pourquoi mai ? Ne pouvait-il pas
avancer cette date ?
    Tolomei calculait. Il calculait
qu’il avait, de concert avec les Bardi, une créance à récupérer sur le pape. Il
demanderait à Guccio, qui se trouvait à Sienne, de se rendre, à cet effet, en
Avignon. Le pape avait fait savoir incidemment, par un voyageur, qu’il
accueillerait volontiers une visite du jeune homme ; il fallait profiter
des bonnes dispositions du Saint-Père. Une occasion aussi, pour Tolomei, la
dernière peut-être, de revoir ce neveu qui lui manquait beaucoup.
    Et puis il y avait un petit
amusement, dans la pensée du banquier. Comme Valois naguère à propos de la
croisade, comme Robert d’Artois au sujet de l’Aquitaine, le Lombard se disait
pour l’Angleterre : « C’est le pape qui paiera. » Alors, le
temps que Boccace qui partait pour l’Italie, passât par Sienne, le temps que de
Sienne Guccio allât en Avignon, qu’il arrivât à Paris…
    — En mai, Madame, en mai… Que
Dieu bénisse vos besognes.
     

II

RETOUR À NEAUPHLE
    Était-elle donc si petite, la maison
de banque de Neauphle, et si basse l’église de l’autre côté du minuscule champ
de foire, et si étroit le chemin montant qui tournait pour aller vers Cressay,
Thoiry, Septeuil ? Le souvenir et la nostalgie agrandissent étrangement la
réalité des choses.
    Neuf années écoulées ! Cette
façade, ces arbres, ce clocher, venaient de rajeunir Guccio de neuf
années ! Ou plutôt non ; de le vieillir, au contraire, de tout ce
temps

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