La lumière des parfaits
principales lignes du traité.
« Mon fils, le régent Charles, a obtenu du Parlement quatre cent mil écus, aux prix d’efforts considérables de nos bourgeois, de nos manants et de nos vilains, qui, il est vrai, supportent les méfaits des dernières chevauchées du roi Édouard.
« J’ai moi-même, se gaussa-t-il, marié ma fille Isabelle à un seigneur lombard, Jean Galéas Visconti, qui lui apporte six cent mil écus sur sa dot.
— Sire, n’est-ce pas là mésalliance ? s’insurgea l’un de ses féaux.
— Que nenni, messire ! Son promis est fils de Blanche de Savoie, et son père règne sur la Lombardie. Son rang suffira pour entrer dans la famille du plus grand roi de la Chrétienté, la mienne, se révolta Jean le Bon, dont le visage s’était empourpré sous l’effet de la colère.
« Réjouissez-vous, il est convenu avec mon cousin Édouard que des otages se livreront céans, pour gage du reste de la rançon. Elle sera baillée très prochainement, je m’en porte garant.
« Je viens d’ordonner que l’on frappe une nouvelle monnaie, en ce mois de décembre, en nos ateliers royaux {28} : le Franc à cheval ! Une monnaie à très forte teneur en or fin. Elle vaudra une livre à 388 millièmes ! Une monnaie de bon et immuable aloi !
— Sire, quels seront les otages qui prendront votre place si vous retournez en votre royaume avant paiement complet de la rançon, osai-je demander.
— Quelques élus seulement. Parmi mes plus féaux sujets. Ceux qui ont accepté de se sacrifier encore quelque temps pour sauver ma couronne. D’aucuns séjournent céans, d’autres s’y rendront prochainement. Les uns et les autres seront traités avec tous les égards dûs à des hôtes de marque. Il en va de l’esprit de chevalerie, dont nous partageons les valeurs, le roi Édouard, le prince de Galles et moi.
« Quant à vous, messire Brachet de Born, vous en serez, il en va de soi ! Vous et vos chevaliers bacheliers, bien sûr ! Ces chevaliers que vous avez justement adoubés, il y a peu, et à qui j’ai souvenance d’avoir décerné l’Ordre de l’Étoile. L’Ordre de la Noble Maison du Roi ! Il n’en découle pas que des honneurs, mais aussi des devoirs ! »
Nos mines se remochinèrent incontinent : l’échéancier pour le paiement de la rançon prévoyait un étalement sur trois ou quatre ans !
Serait-elle seulement baillée par un pays exsangue, accablé par les taxes et les mauvaises récoltes ?
Après plus de quatre ans de captivité, devrions-nous attendre quatre années de plus pour rejoindre nos terres et nos familles ? À moins que nous ne finissions dans quelque oubliette royale ?
L’avenir était sombre.
Nous étions plongés en grande souffrance.
Et pourtant, un drame espouvantable se nouait pendant ce temps. Dans nos provinces d’oc.
Furent les rues et le grand pont (le pont aux Meuniers) par où il passa, encourtinés, et fut une fontaine, outre la porte Saint-Denis, qui rendait vin aussi abondamment comme si ce fut eau.
Arrivée de Jean II le Bon, en sa capitale, le 13 décembre 1360, décrite par un chroniqueur parisien anonyme.
Chapitre 12
Au cours des années de grâce MCCCLX à MCCCLXII , à Paris, capitale du royaume, jusqu’au mois d’août. {29}
Encore assommé par cette injonction royale, je relevai le chef et, regardant le roi droit dans les yeux, tentai une ultime suggestion : « Sire, de grâce, j’ai bonne et érudite épouse et beaux enfants, en Pierregord, me suis acquitté de ma rançon et de celle de mes compains près lord Talbot, pour compte du chevalier de Morbecque. Je dois très prochainement remettre de l’ordre dans les finances de mon domaine. Et, flatteur outrecuidé je poursuivis : « Ne pensez-vous pas que des chevaliers que vous avez hissés au premier rang de la chevalerie, le prestigieux Ordre de l’Étoile, ne vous serviraient mieux près de vous, qu’enchefrinés en la Tour blanche ? », tout en prenant conscience, s’il en acceptait l’idée, que nous courrions le risque d’être encourtinés pour une durée qui dépendrait de son bon vouloir, réduits à l’oisiveté, à la chasse, à la tentation de succomber aux charmes de jeunes et aguichantes folieuses.
Ne serait-ce que pour satisfaire de vains et fugaces appétits charnels. Ils soulageraient nos corps, mais chagrineraient notre devoir de fidélité.
Jean le Bon fronça les sourcils, me fixa de ses yeux glacés. Je soutins
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