La lumière des parfaits
pour Bertrand du Guesclin, de renouveler l’erreur de Maupertuis et de charger un ennemi, qui plus est,
supérieur en nombre. Il ouvrirait aussitôt les rangs de ses chevaliers montés pour permettre à ses archers gallois de nous traire comme des vaches.
Lorsque nous fîmes faire demi-tour à nos charrois et tournâmes le dos à l’ennemi, le captal de Buch ne tomba pas dans le piège qu’on lui tendait. Mais ses capitaines, Jean Jouël et Bascon de Mareuil, en bons Gascons qu’ils étaient, crurent à notre retraite et s’élancèrent sur nos lignes.
Bertrand du Guesclin ordonna de démonter et de faire face. Nos lances avaient déjà été raccourcies la veille.
La bataille fit rage jusqu’au soir. Nous comptions aussi des Gascons dans nos rangs. Ils ne furent pas en reste et embrochèrent d’autres Gascons sans vergogne.
Les haches d’armes broyèrent des armures, tranchèrent des bras, décollèrent des heaumes, pourfendirent des hauberts, dans un camp et dans l’autre, Bertrand en tête. Alors que nous commencions à fléchir sous le nombre, le sort de la bataille bascula. Les cavaliers bretons surgirent au galop sur l’arrière des lignes ennemies. Le captal de Buch s’était résigné lui aussi à descendre la colline pour prêter main forte à ses deux capitaines. Il fut pris à revers.
Godons, Navarrais et Gascons furent taillés en pièces. Nous eûmes cependant à déplorer, le soir venu, un grand nombre de morts. L’ennemi, à peu près trois fois plus.
Ma cotte de mailles avait été fendue en plusieurs endroits, mes espalières, mon plastron, le gorgerin, défoncés et bosselés. Mais j’étais sauf lorsque le soir tomba. Deux de mes écuyers n’avaient que des navrures superficielles, les deux autres avaient des entailles plus profondes, mais aucun n’avait perdu la vie.
J’entends le cœur de la terre battre sous mes pas.
Sa force remplit chacun de mes membres prêts au combat.
L’aube se lève sur la plaine immense et vaste de mon pays.
Il faudra se battre et mourir peut-être aujourd’hui,
Mais qu’importe, je me sens vivant et l’air du vent froid
Réchauffe par sa vigueur mon ardeur et mon courage.
Je suis semblable à cet aigle là-haut survolant sa proie.
Symboles d’une légende traversant les âges,
Nous cherchons l’aventure et notre course dans la lumière
Fait rêver le poète chantant les âmes guerrières.
Comme un rempart se dévoilant à l’horizon,
Je vois la noire et fière silhouette de mes compagnons
Se découper dans le ciel bleu et pur de l’hiver.
Un genou en terre, ils font ensemble une dernière prière
Au Dieu de l’immensité afin qu’il saigne nous accorder
Sa protection, quand tout à l’heure, les larmes et le sang vont couler.
Ô Seigneur, toi qui fis les montagnes et les torrents,
Toi qui nous Sonnas à tous femmes et enfants,
Accorde-nous la justice de délivrer cette terre qui souffre
De ceux qui veulent percer son cœur comme une outre.
Soit pour nous, quand viendra la bataille,
Dans le Bateau de cette épopée,
Notre fidèle gouvernail,
Et quand se déchaînera la tempête du malheur,
Fais briller sur nos glaives ta divine lueur.
Comme une vague d’acier soulevant la plaine,
S’avance vers nous l’ennemi, boucliers et lances par centaines.
Au premier cri de guerre, nous voilà lancés
Dans la mêlée, armes et poings levés.
Comme un seul homme, nous frappons Se toutes parts,
Sans remords, dans le cœur noir de nos meurtriers, corps à corps.
Je sens qu’une force me pousse et m’entraîne
Au-delà de moi-même.
Je suis un océan que la foudre déchaîne.
Sombres accords d’une lutte sans pitié,
Les guerriers font danser l’enfer à chaque coup d’épée.
Plus rapide que l’éclair, plus léger que le vent,
Je crée une percée au milieu du tourment
Faisant tomber à mes pieds
Les plus farouches guerriers,
Creusant dans la terre un sillon de colère
Que le soleil vient recouvrir de sa lumière.
Le jour touche à sa fin, lumière d’orage ;
Ce n’est pas un mirage, l’ennemi s’enfuit, c’est certain.
Le regard plein de fierté, nous savourons notre victoire
En levant vers les nuées les couleurs de notre étendard.
La joie remplit nos cœurs,
Mais ce soir, pleureront nos frères et nos sœurs.
Parmi les cadavres qui jonchent la plaine,
Nous découvrons le visage de ceux que l’on aime.
Sonne le glas du tonnerre, la pluie coule sur nos
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