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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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une infinie lenteur. Point d’autre bruit que le crépitement des flammes dans la cheminée.
    Les sens en alerte, les muscles tendus, la dague tenue fermement devant la poitrine, la tête inclinée sur le côté reposant sur la paume de l’autre main, le coude appuyé sur l’écritoire, j’imitai la position du clerc assoupi devant quelque fastidieuse copie et me gardai bien de me retourner. Mais, les sourcils froncés, je ne quittai pas le miroir des yeux.
    La crémone poursuivit sa course avec lenteur et la porte s’entrebâilla peu à peu. Une tête, une épaule, un bras, une poulaine, une jambe, puis le corps entier d’un solide gaillard se glissèrent à l’intérieur de la librairie et s’avancèrent vers moi à pas feutrés, avec d’infinies précautions.
    Le fredain tenait une corde de chanvre enroulée d’un tour dans chaque main à l’intérieur de la paume. La tête inclinée, l’homme n’était pas sans me rappeler un lointain souvenir. Je fouillai dans ma mémoire. Mais oui, bien sûr ! Celui d’un sergent d’armes que le baron de Beynac avait autrefois mortifié devant la garnison du château. Et le souvenir plus récent d’un garde qui, lors de notre entrée dans la première cour du château de Kœnigsbourg, nous avait observé d’un regard qui s’était dérobé lorsque j’avais levé les yeux sur lui.
    Tordcol ! Sébastien Tordcol ! Par Saint-Jean, ce n’était pas possible ! Et pourtant, la ressemblance était troublante. Un jour, cinq plus tôt, le tocsin avait annoncé l’arrivée de la terrible epydemie de Mal noir. Un sergent de garde à la porte de Boines du château de Beynac, ce jour-là, avait manqué de sang-froid lorsque, à la chaude, il avait tranché la corde du contrepoids des flèches du pont-levis, provoquant par sa précipitation l’amputation d’un jeune valet.
    Vertement réprimandé par notre maître, le fendant sergent monté s’était vu promu tout de gob simple valet d’armes. Humilié devant tous, j’avais alors pressenti qu’il pourrait devenir dangereux. De là à vouloir attenter à ma vie, aussi loin de notre baronnie ! Il devait agir sur ordre. Mais sur ordre de qui ?
     
    Or donc, tel était le sort qu’il me réservait : la mort par strangulation ! Pour faire croire à un suicide par pendaison ?
    Le félon s’approcha à pas de loup. Au moment où il levait très lentement les bras dans mon dos, son regard croisa le mien dans le miroir. Onques n’oublierai le reflet cruel de ses prunelles, le rictus de sa bouche, le souffle de son haleine fétide. L’homme était vif. Il se déplaça brusquement sur ma dextre et, avant que je ne puisse réagir et prononcer son nom, il me passa la corde autour du col.

    Dans l’enfermerie du château, Mathilde d’Œttingen, le comte son mari et de nombreux autres seigneurs, de retour de la chasse, se pressaient à l’entrée.
    Sur la table, deux poulaines étaient parcourues de soubresauts convulsifs. Les chausses brunes étaient maculées de sang. D’un aspect sombre et visqueux. Torse nu, Sébastien Tordcol se tordait de douleur, les deux mains jointes sur son ventre, les doigts ensanglantés, essayant sans grand succès de comprimer l’hémorragie, les yeux révulsés sous la ligne de broçailles qui barrait son front à la hauteur des sourcils.
    « Veuillez quérir un prêtre incontinent, notre homme est sur le point de trépasser ! m’écriai-je.
    — Les derniers sacrements, vite ! ordonna le comte d’Œttingen qui s’était porté au chevet du malheureux. Mais, de grâce, qu’il ne meure pas avant d’avoir avoué son crime », supplia-t-il en s’adressant à son mire.
    Sur le front d’icelui, des gouttes de suance perlaient. La crainte évidente de ne pas pouvoir réussir l’impossible.
    « Mon ami, Sébastien, lui soufflai-je dans le creux de l’oreille, ta fin est proche. Sauve ton âme et dis-moi qui t’a chargé de cette sinistre besogne. »
    Sébastien Tordcol leva vers moi un regard qui avait perdu toute animosité. Un regard triste. Il me saisit le bras. J’approchai l’oreille de sa bouche. Du sang se répandait à la commissure des lèvres. Il toussit. Un nouveau filet jaillit.
    « Soyez sur vos gardes, messire Brachet, le mal rôde autour de vous.
    — Qui t’a chargé de mettre fin à mes jours ?
    — Dame de…
    — Dame de ?
    — de Guirande, souffla-t-il dans un râle.
    — Laquelle ? Isabeau ?
    — Oui… Euh,

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