La lumière des parfaits
à grain.
Prenez garde à vous, femmes des campagnes,
Le Godon attend de violer nos compagnes.
Prenez garde à vous, bergers des montagnes,
L’ennemi s’apprête à piller vos troupeaux
Pour s’en faire, pour fa guerre, des oripeaux.
Prenez garde à vous, artisans de talent,
Dans ses rangs, il compte aussi trop de sergents,
Qui convoitent pour solde votre bel argent.
Prenez garde à vous, bourgeois trop habiles,
L’Anglais veut faire main basse sur nos villes.
Après le roi Édouard, vient le prince noir,
Qui prie dame victoire pour planter son dard
Et nous passer à la broche, comme du lard.
Ils convoitent nos trésors et nos richesses
Pour désaltérer leurs guerriers dans l’ivresse.
Le ciel déchire ses blancs et noirs nuages,
Se terrent dans les masures, les plus sages.
L’étoile ne brille plus pour les rois mages,
Bientôt la terre n’aura plus de rivage.
Notre sol se soumet à fa loi du plus fort,
Comme autrefois à ces gens venus du Nord.
Mais nos cœurs se révoltent contre l’ennemi
Qui déferle sur nos plaines et qui surgit
Pour mettre bas nos vies et tuer nos amis.
Il sapera peut-être nos forteresses,
Il taillera peut-être nos corps en pièces,
Mais il ne soumettra jamais la Guyenne,
Car on ne peut Briser l’âme de la haine,
Dont la flamme brûlera de vermeil et d’or
Pour Bouter à jamais les Anglais au dehors.
Ces paroles étaient-elles prémonitoires ?
Le lundi, au dix-neuvième jour du mois de septembre 1356, nous allions être fixés.
Dimanche, au dix-huitième jour du mois de septembre, le maréchal d’Audrehem m’avait présenté au roi à qui j’avais rendu hommage. Je pus assister, de ce fait, aux préparatifs des combats.
La journée se passa en parades, en conseils de guerre, en patrouilles de reconnaissance. En vaines négociations aussi. Nos deux armées s’observaient et s’espionnaient.
Se déplaçant d’un camp à l’autre, le cardinal de Talleyrand, légat pontifical et frère de Roger-Bernard, comte de Pierregord, souhaitait mettre à profit la trêve dominicale qu’il avait imposée aux chefs des deux armées, pour éviter l’affrontement.
Il déploya, lors de ces négociations, une telle énergie que l’on craignit qu’il ne jouât le parti anglais. En effet, si la bataille était engagée, la trêve lui aurait été hautement profitable. Le Godon pouvait renforcer ses positions en faisant aménager à la hâte, en haut de la butte, des tranchées flanquées de pieux derrière lesquelles les archers gallois et irlandais se seraient retranchés en attendant la charge de notre échelon de chevaliers montés.
L’Anglais, cependant, avait tout à gagner à ce qu’on s’en tînt là, et il semblait prêt à accepter les concessions que lui suggérait le cardinal de Talleyrand : libérer quelques prisonniers capturés la veille, restituer les places fortes occupées depuis deux mois, conclure une trêve de sept ans.
En vérité, le prince de Galles était assurément en position de grande faiblesse, son armée manquait de vivres et sa capitale était découverte.
Mais le roi Jean dut penser que, s’il renonçait à la bataille, les barons français et les princes européens considéreraient que le Plantagenêt venait, une fois de plus, de le narguer en toute impunité. Le royaume n’aurait, certes, rien perdu, mais la couronne de saint Louis ne serait-elle pas ternie ?
Aussi avait-il tout pareillement mis à profit la trêve pour nous exposer son plan de bataille et l’ordonnancement des troupes, avec la ferme intention de prendre l’initiative de l’assaut.
À la faveur de la trêve de Dieu, on étudia le terrain, on s’espionna de part et d’autre pour reconnaître les positions et estimer les forces en présence, d’autant plus aisément que les éclaireurs pouvaient circuler et s’interpeller librement d’un camp à l’autre.
Jean le Bon avait envoyé le chevalier Eustache de Ribemont et trois autres chevaliers reconnaître les positions ennemies.
Dès leur retour, les éclaireurs rendirent compte. Messire Eustache de Ribemont suggéra :
« Sire, évitons d’aventurer demain l’armée sur cette voie d’accès au plateau, entre les haies. Il est trop étroit ; leurs bowmen sont embusqués derrières les taillis.
« Attaquons plutôt directement les défenses ennemies en sacrifiant une charge de chevaliers montés ; nous les choisirons parmi les plus aguerris
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