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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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s’étalant de tout leur long. Il régnait, par endroits, une puanteur espouvantable dont semblait s’accommoder la plupart d’entre nous !
     
    D’inévitables folieuses et quelques ribaudes offraient leurs charmes pour de brèves étreintes charnelles en échange d’un quignon de pain, d’un morceau de lard et d’un godet de vin. Ou quelques deniers d’une monnaie qui se dépréciait de jour en jour. Normal que le prix à bailler pour jouir de leurs appâts parfois flétris augmentât entre le lever et le coucher du soleil !

    Après l’office, le roi Jean, le connétable Gauthier de Brienne et les maréchaux, Jean de Clermont et Arnould d’Audrehem nous exposèrent le mouvement des armées ennemies et nos ordres de marche. Ce jour-là, je pris conscience de la formidable organisation militaire et logistique d’un aussi grand nombre de corps de batailles, d’une armée forte de vingt ou trente mil hommes en état de guerre.
    « Le prince Édouard a gagné les pays de Loire. Ses troupes sont affamées. Il est sur l’autre rive, à Amboise. Il s’apprête à faire sa jonction avec l’armée de son frère, le duc de Lancastre, si ce dernier parvient à s’emparer du pont de Meung.
    « Nous devons l’éviter à tout prix, sans prendre le risque d’être pris en tenailles entre leurs échelons de cavalerie et leurs autres corps de batailles. Or donc, nous lèverons le camp demain matin, à l’aube.
    « Mes beaux sires, je vous rends grâce d’avoir féalement relevé les affronts que l’Anglais et le Gascon nous infligent depuis trop longtemps. Cette fois, alea jacta est ! Le sort en est jeté et nous bouterons l’Anglais hors du royaume ! »
     
    De tonitruants cris d’allégresse jaillirent des poitrines de la foule en arme. Foulques de Montfort, Onfroi de Salignac, Guy de Vieilcastel se tenaient à mes côtés (nos autres écuyers étaient perdus plus loin). Ils applaudirent mollement.
     
    Bien que nous fûmes fort impressionnés par ce déploiement de bannières multicolores et d’invectives passionnées, nous avions tous à l’esprit la bataille de Crécy : les armées française et anglaise étaient à peu près de même force.
    Nous avions subi une effroyable défaite, une formidable mazelerie. Une armée pourtant commandée par le premier des Valois, le roi Philippe, sixième du nom. Le père de notre roi Jean.
    L’Anglais et le Gascon étaient souples, mouvants, lorsque nous étions lourds et lents dans nos mouvements, et tirés comme des lapins par les redoutables archers gallois et irlandais.
     
    Le duc de Lancastre, comte de Derby, nous l’avions combattu une fois. Lors de la première déculottée que nous avions subie, huit ans plus tôt, près le faubourg de la Madeleine en notre ville de Bergerac, lors du premier choc qui avait opposé ses armées à la nôtre, commandée par Roger-Bernard, comte de Pierregord. {19}
    Le prince de Galles, nous ne le connaissions qu’à travers le récit des terribles chevauchées qu’il avait entreprises, encore récemment, dans nos provinces d’oc.
    Sans oublier qu’il avait emporté la victoire pour son camp, à Crécy, à l’âge de seize ans. Un seul point nous rapprochait, lui et moi : nous avions le même âge !
    Cependant, la vaillance du roi Jean, son sens présumé de la stratégie, son aura, sa renommée, la force de nos armes ne devaient ni altérer notre sens combatif ni semer le doute dans nos esprits chagrins.
    Me réconfortait aussi, il est vrai, la présence d’Arnould d’Audrehem à nos côtés, pour en avoir mesuré la puissance et l’efficacité, peu de temps auparavant, lors de notre échauffourée dans les sous-bois du château de Montmuran. Bertrand du Guesclin, n’était-il pas l’un de ses meilleurs amis ?
    Comment messire d’Audrehem, un maréchal de France, pourrait-il nous déçoivre ou nous sorçaindre ?
     
    Lors d’une veillée d’armes, je griffonnai quelques vers sur un bout de parchemin et les fredonnai à mes compains d’armes :
    Le ciel est sombre et de triste augure,
    Pour trop de gens revêtus de simple bure.
    Prenez garde à vous, courageux gens de pied,
    La pluie tombe et vous observent les archers.
     
    Prenez garde à vous, très nobles chevaliers,
    L’orage gronde, vous guettent les coutiliers.
    Prenez garde à vous, valeureux écuyers,
    La foudre frappe et pourfend vos boucliers.
     
    Prenez garde à vous, fiers et gentils vilains,
    Seront pillés, incendiés vos greniers

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