La lumière des parfaits
et les plus courageux. Ils ouvriront et fendront les archers. Après quoi, il sera aisé de faire grimper l’armée, à pied, par l’escarpement. »
Le maréchal de Clermont objecta :
« Si nous tentons une telle charge, nous irons droit au massacre. Les Anglais sont à bout de vivres, et l’on pourrait commodément les assiéger sur leur plateau.
— Je ne souhaite pas vaincre nos ennemis par la famine, mais les mettre à vaudéroute par la force de nos armes », trancha Jean le Bon.
Le maréchal d’Audrehem renchérit. Il laissa entendre qu’un siège du plateau serait œuvre de couardise.
La cause fut entendue. Nous savions tous que la chevalerie française rivaliserait de courage pour bien montrer que, onques, elle n’avait songé à procéder autrement. Clermont le dit à Audrehem :
« Vous ne serez ce jour si hardi, que vous mettiez le museau de votre cheval au cul du mien ! »
La manœuvre suggérée par Ribemont fut acceptée. Trois cents chevaliers seraient désignés pour la charge ; le connétable Gauthier de Brienne et les deux maréchaux, Jean de Clermont et Amould d’Audrehem la commanderaient. Une fois les archers mis hors de combat, la seconde bataille attaquerait à pied, en un front continu, largement étalé sur plus d’une lieue.
Je demandais à faire partie de la première charge. Cela me fut refusé : je n’étais point décoré de l’Ordre de l’Étoile de la Noble Maison du Roi… En revanche, j’étais invité à rejoindre la bataille du roi Jean.
Le soir de ce dimanche, suivant les instructions données, nous nous préparâmes à combattre à pied : nous dûmes ôter nos éperons d’or, retailler nos lances à cinq pieds seulement, et enlever les poulaines de nos solerets.
Un seul, parmi nous, ne le fit pas. Un géant au torse puissant, court sur pattes, Geoffroy de Sidon. Avait-il oublié que ses poulaines lui avait coûté la cuisante défaite que lui avait infligée le chevalier de Montfort, lors de la terrible ordalie acceptée par le roi de Chypre ? Grand mal lui en prit.
Il combattrait, à nos côtés, dans la troisième bataille, la réserve du roi Jean. N’avait-il pas dit alors, sans demander merci, au moment où Foulques de Montfort lui avait pointé l’épée sur le chef : « Y serai, y viendrai. » Il était là, un terrible chevalier, d’une droiture sans failles, d’une humeur trop chaude.
Au petit matin du lundi, dix-neuvième jour de septembre, avant que le jour ne se levât, le cardinal de Pierregord tenta une dernière fois d’éviter le combat. Il était trop tard. Déjà, le soleil levant mettait fin à une trêve trop facilement acceptée par les deux camps.
Menés par le prieur de Saint-Gilles de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, Jean Fernand de Hérédia, le cardinal de Talleyrand vit quelques chevaliers de son escorte prendre congé pour faire leur devoir les armes à la main, aux côtés du roi de France.
Nos capitaines firent flotter bannières, penons et penonceaux sur la campagne poitevine. L’oriflamme était fièrement tenu près du roi par le chevalier Geoffroi de Charny. Tout était prêt pour une charge de cavalerie en bonne et due forme. Pour ce qui, nous l’ignorions alors, serait une cuisante défaite. Une espouvantable mazelerie.
Loin des paroles, nous devions, à présent, passer aux actes. Prouver notre vaillance, nous sacrifier s’il en était besoin. Obéir aux ordres de notre roi. Jean le Bon avait requis de ses maréchaux qu’ils choisissent, par devers la troupe ici rassemblée dans les différentes batailles, ceux qu’ils considéraient comme fleur de chevalerie, montée sur fleur de coursier.
Pendant plusieurs heures, les maréchaux avaient sélectionné, de compagnie en compagnie, les quelques trois cents chevaliers et écuyers qui formeraient la cavalerie d’élite du roi, celle qui devrait rompre, dès l’abord, les défenses adverses. Tous appartenaient à l’Ordre de l’Étoile de la Noble Maison de Saint-Ouen.
Le roi Jean le Bon avait aussi réuni sa propre bataille. Celle qui formerait, si l’issue du combat l’exigeait, le dernier carré.
Les vingt-trois bannières rassemblées autour du roi de France et de son cheval blanc, ne claquaient pas au vent. Pour la simple raison que, de vent, il n’y avait point. Le ciel était couvert, mais la pluie ne menaçait pas. D’épais nuages floconnaient encore haut dans le ciel d’automne.
Trois
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