La lumière des parfaits
jeunes princes de sang chevauchaient aux côtés du roi, leur père : le duc Louis d’Anjou, le duc Jean de Berry et le prince Philippe, alors âgé de quatorze ans.
Selon le plan établi la veille, l’échelon des trois cents chevaliers d’élite prit position en contre-bas de la butte. Il était sous les ordres des deux maréchaux de France, et flanqué des Allemands des comtes de Nassau et de Saarbrücken.
Ils devaient charger l’ennemi en premiers ; le reste de notre armée était divisé en trois corps de bataille ; le dauphin Charles, duc de Normandie, devait commander le premier, le duc d’Orléans, le second, et le roi lui-même prendrait la tête du troisième. Il servirait de réserve, dont nous faisions partie, Geoffroy de Sidon, mes écuyers, Onfroi de Salignac, Guilbaud de Rouffignac et moi. Nous étions tous à cheval, les nasches bien calées dans les arçons.
À l’approche de l’engagement, toute peur s’était évanouie. Le plaisir de tailler de l’Anglais et du Gascon surpassait les craintes de navrures, graves ou mortelles. Il en allait de notre devoir de chevalerie. Et ce devoir, nous entendions l’assumer pleinement et courageusement.
Sur la hauteur de Maupertuis, les Anglais nous attendaient, solidement accrochés à leurs positions et bien abrités derrière les haies d’épines, les buissons, les taillis.
Les comtes de Warwick et d’Oxford commandaient l’aile gauche, les comtes de Salisbury et de Suffolk, l’aile droite. Le captal de Buch, Jean de Grailly, et ses Gascons s’étaient retranchés assez loin, à notre senestre, à l’extrémité de la butte. Le Prince de Galles et son conseiller favori, l’habile John Chandos, se tenaient à l’arrière des deux principaux corps de bataille, prêts à porter secours à quiquionques faibliraient.
Si ce n’étaient environ trois cents hommes d’armes et autant d’archers qui étaient restés montés, tous les chevaliers anglais avaient mis pied à terre. Cependant, leurs écuyers gardaient leurs chevaux à la bride, prêts à les aider à se hisser en selle.
Ce que nous ignorions alors, c’est que John Chandos, le conseiller d’Édouard de Woodstock, avait mis en balance les dures nécessités d’une armée affamée et numériquement inférieure, et les impératifs de l’honneur.
Les plus sages des capitaines souhaitaient rompre et regagner Bordeaux, mais les plus audacieux avaient choisi de nous affronter. Depuis trois jours, le pain leur manquait. Ils salivaient trop, à ouïr le bruit des banquets que le roi de France nous offrait ostensiblement à la faveur de la trêve.
En pleine nuit, le prince de Galles avait tenu conseil. Leur tactique avait été arrêtée : ils quitteraient la position retranchée du bois de Nouaillé, mais non l’arrière, là où la charge de nos chevaliers aurait beau jeu de tailler en pièces une armée en retraite, mise hors de ses défenses.
Ils se fraieraient un passage vers l’avant, sous notre nez, en se glissant sur le plateau, en bordure du bois de Nouaillé qu’ils entendaient utiliser ainsi comme une défense naturelle. En cas de bataille, le relief de Maupertuis devait compenser leur infériorité en nombre.
À l’aube, lorsque poignit le jour, en ce lundi du dix-neuvième jour de septembre, nos corps de bataille étaient en ordre de marche. Le connétable Gauthier de Brienne, et les maréchaux Jean de Clermont et Arnoul d’Audrehem, lances à l’arrêt, en colonnes serrées, se tenaient prêts à ouvrir une brèche dans le système de défense ennemi, en escaladant la sente, ainsi qu’il avait été convenu la veille.
Les deux premières grandes batailles à pied, commandées, l’une par le dauphin Charles, l’autre par le duc d’Orléans, frère du roi, monteraient ensuite à l’assaut pour écraser l’adversaire.
Les ordres dictés la veille étaient clairs : occire le plus grand nombre possible d’Anglais, de ces félons de Gascons, et capturer vivant le prince de Galles.
La dernière bataille, celle du roi Jean, dont nous faisions partie, ainsi que la compagnie de routiers aux ordres de l’archiprêtre, Arnaud de Cervole, ne devait intervenir qu’en cas de besoin, pour soutenir un corps de bataille en difficulté ou pour achever le travail.
Les deux batailles ordinaires, celle du dauphin Charles et celle du duc d’Orléans, avaient déchaussé, conformément aux ordres. L’une et l’autre s’apprêtaient, pour un
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