La lumière des parfaits
combat qu’elles n’avaient pas à engager au premier chef. Elles firent mouvement pour s’engouffrer incontinent dans la brèche, dès qu’elle serait ouverte par le premier échelon de nos chevaliers montés.
Personne ne doutait plus du succès de ce remarquable plan de bataille. Enfin, presque personne. Et pourtant…
Le maréchal, Jean de Clermont, était aussi circonspect, face à ce qu’il pressentait être une manœuvre de diversion des Anglais, qu’il avait été prudent la veille, face à leur retranchement. Le connétable Brienne tenait pour Clermont. Mais il leur fallut compter avec le maréchal d’Audrehem, qui voulait attaquer immédiatement, non pas par vain désir d’en découdre à tout prix, mais parce qu’il voyait les Anglais trouver dans leur mouvement une nouvelle position forte. Hier, il voulait les attaquer avant que le bois de Nouaillé fût une forteresse. Ce lundi matin, il tenait à occuper le gué sur le Miosson, avant que l’ennemi puisse tirer tout le profit d’une position doublement protégée, par les buissons et par l’eau. Le gué était, il est vrai, d’une grande importance pour les Godons, s’ils devaient battre en retraite.
Les batailles des deux maréchaux se mirent en branle. Lourdement. Dans ce chemin creux et encaissé, les chevaliers de fervêtus s’avancèrent pour gravir la côte, éperons contre éperons, bottes contre bottes. Leurs montures butaient sur les cailloux, se gênaient les unes les autres.
À travers le vignoble qui descendait en pente douce vers le Miosson, nous entendîmes, de l’endroit où nous nous tenions, le maréchal Arnoul d’Audrehem ordonner la charge. Son échelon et ceux des chevaliers allemands des comtes de Nassau et de Saarbrücken se lancèrent à l’assaut. À vrai dire, ils avancèrent au petit trot, puis au pas.
Le connétable de Brienne et le maréchal de Clermont ordonnèrent d’attaquer aussi, mais de l’autre côté de la butte, marquant en cela leur désaccord. Ils avaient décidé d’assaillir l’arrière-garde de l’armée anglaise et gasconne qui se tenait encore à la sortie du bois.
Bien mal en prit aux uns et aux autres.
Les redoutables archers gallois, munis de leurs longs arcs, à la puissance redoutable, flanquaient buissons et taillis. Ils se mirent incontinent à couvert des haies et des rangées de vigne, en position de tir.
Nos deux colonnes de chevaliers d’élite, plus compactes que des pâtes à tarte, escaladaient péniblement le terrain pentu. Les bowmen, solidement embusqués et retranchés à présent, firent pleuvoir une grêle de flèches, sans prendre le temps de borgnoyer leur cible.
En quelques instants seulement, ce fut l’hécatombe. Nous vîmes, avec grand effroi, nos troupes de fervêtus transpercées de leurs traits avant d’avoir eu le temps de les rehaster et de les sorçaindre.
Un grand désordre s’ensuivit dans leur colonne : hommes et chevaux piétinaient ceux qui étaient à terre, s’enlisaient sur le sol boueux ou trébuchaient sur la caillasse.
Les archers décochaient sagettes sur sagettes à tir tendu. Elles transperçaient, sans distinction, haubert, harnois et chevaux.
Pour comble de l’horreur, la piétaille irlandaise, armée de guisarmes et de miséricordes, coupaient les jarrets des destriers. Les montures basculaient, leurs cavaliers étaient projetés dans la poussière ou écrasés sous leur poids.
Ici ou là, des coutiliers se précipitaient vers les fervêtus et sur les agonisants, munis de simples miséricordes ou de corsèques qui pénétraient les défauts des cuirasses pour les occire. Pour achever les malheureux, au dépris de toute règle de chevalerie.
Il y eut grand’foison de nos preux chevaliers.
Grièvement blessé, Arnould d’Audrehem fut fait prisonnier avant d’atteindre le gué. Jean de Clermont fut mortellement atteint par une flèche tirée à bout portant, avant d’avoir franchi le chemin, fortifié de simples haies et de buissons, dont les Godons avaient su flairer un piège redoutable bien qu’improvisé.
Cependant, le gros de notre armée était prête à se mettre en branle. À cette heure de la journée, nous pensions encore emporter la victoire, eu égard à notre supériorité en nombre. Sur l’ordre du roi, la deuxième bataille s’approcha du gué du Miosson. Le gros de nos forces se situait ainsi à l’ouest des Anglais, en arrière d’un méandre marécageux. Mais le
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