La malediction de la galigai
l'auberge du Gros-Poisson , rue de la Pêcherie. C'est le rendez-vous des mariniers et des armateurs. On m'y connaît. Je vous retrouverai là et me procurerai une barque que monsieur Sociendo utilisera afin de mieux connaître la rivière.
S'étant consultés du regard, Pichon, Canto et Sociendo approuvèrent avant de se retirer.
*
Le fils Mondreville étant monté dans sa chambre, Bréval ferma soigneusement la porte de la pièce où il se tenait en compagnie du lieutenant de la prévôté.
â Que feras-tu si Tilly apparaît avec des hommes d'armes ? s'enquit-il.
â Ils devront prendre la maison d'assaut ! Et je doute qu'il en ait les moyens. Je vais préparer une requête contre lui auprès du parlement de Rouen. J'irai voir Longueville, il m'apportera son soutien. J'ai des témoins ici, Tilly m'a agressé. Quant à son ami Fronsac, je le traînerai aussi en justice pour ce qu'il a fait à Charles. Je verrai le prévôt des maréchaux de Rouen, il lancera un arrêt de prise de corpsâ¦
Comme Bréval ne répondait rien à ce discours virulent, Mondreville s'arrêta et lui adressa un regard interrogatif.
â Tu ne m'approuves pas ?
â Je me disais que lorsque je t'ai connu, tu n'étais pas un zélateur de la justice royale ! En vérité, je pense surtout à notre affaire. J'ai besoin de cet argent, Jacques, et si la justice s'intéresse à nous, nous ne pourrons voler la recette des tailles. Tu as vu comment se sont comportés Pichon, Canto et Sociendo ? Eux aussi souhaitent que tout se déroule avec discrétion. Ils sont prêts à nous abandonner, je le sens.
â Je devrais donc me laisser faire ? Tu oublies que Tilly s'intéresse au vol de 1617 !
â Sans doute à cause de la mort de ses parents. Il a dû découvrir quelque chose.
â J'ai mis le feu à sa maison. De ce côté-là , il ne reste aucune preuve.
â Raison de plus pour ne pas aller plus loin. Menace Tilly s'il revient, mais tu l'as dit toi-même, que peut-il entreprendre contre toi ? Il restera juste ton ennemi. Or si nous réussissons à voler ces deux millions, tu n'auras qu'à partir et il ne te retrouvera jamais.
Mondreville s'abîma dans le silence un moment avant de laisser tomber :
â Tu as raison.
â Il y a un autre problème. Thibault de Richebourg a disparu. Sais-tu si ton fils y est pour quelque chose ?
â Mon fils ? (Il eut un sourire.) Certainement pas !
â C'est ce Fronsac qui me l'a appris. En cherchant Tilly, il a découvert le domestique de Richebourg assassiné. Une enquête du prévôt de Houdan est en cours mais je crains que l'affaire ne soit transmise au lieutenant criminel de Montfort. Charles sera peut-être interrogé. Parle-lui-en.
â Je ne crains rien. Mon fils, comme tu dis, était ici ces temps-ci, encore qu'il soit plus souvent avec toi. Richebourg a dû être éliminé par un mari jaloux. Il tournait un peu trop autour des épouses de Houdan à la cuisse légère !
*
à Longnes, Nicolas parvint à se faire indiquer la maison de Bréval. Il s'y rendit et arrêta le carrosse devant le perron, dans une cour entourée de fleurs.
Un valet s'approcha. Descendus de voiture, Gaston et Louis demandèrent à rencontrer Anaïs Moulin Lecomte. L'homme les fit entrer dans un petit vestibule très simplement meublé. Bauer les accompagna, sans son espadon.
Ils attendaient lorsque Bréval apparut en habit de drap sombre. Durant un instant, un pénible silence flotta dans la pièce. Puis le bourgeois s'inclina et s'adressa à Fronsac.
â Monsieur le marquis, je m'attendais à votre visite⦠Vous vous doutez qu'elle me met mal à l'aise. Sachez cependant que je désapprouve ce qui s'est passé, et⦠l'irrespect dont Charles Mondreville a fait preuve à votre égard.
â Merci, monsieur Bréval, fit Louis, accommodant. Mais ce n'est pas à ce sujet que je viens chez vous. Puis-je vous présenter mon ami, monsieur de Tilly, procureur à la prévôté de l'Hôtel du roi et maître des requêtes au Conseil des parties ?
Le visage de Bréval resta impassible bien qu'il pâlît légèrement.
â J'ai ramené Charles Mondreville à son
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