La malediction de la galigai
chemin.
Le trésorier réfléchit un instant.
â Je le pense, mais il y a les aléas de la rivière. Certains passages du fleuve sont difficiles, comme à Vernon.
â Croyez-vous que le prochain transport puisse se faire via le fleuve ?
â Personne ne peut le savoir à l'avance ! Je vous l'ai dit, le secret est bien gardé.
Louis hocha de la tête, pour l'approuver, avant de demander :
â Savez-vous, monsieur de La Bazinière, ce qu'il s'est passé en 1617 ?
â Ce fut l'assassinat du coyon  ! De Concini ! s'esclaffa le trésorier.
â Je parlais des transports des tailles.
â Non⦠Je ne vois pas⦠Voulez-vous que je me renseigne ?
Louis se leva, imité par Gaston.
â Ce sera inutile, monsieur de La Bazinière.
*
Ils n'échangèrent pas une parole jusque dans leur carrosse. Là , enfin à l'abri des indiscrets, Gaston laissa tomber :
â Tu as raison, une fois de plus. Ils ont dû entendre parler de ce transport et Mondreville a décidé de recommencer.
â C'est plus grave. Tu as écouté : personne ne sait quand le convoi partira. Dès lors, de quelle manière Mondreville pourrait-il l'apprendre ?
â Il l'a bien su en 1617.
â Oui, et qui le lui avait dit ?
â Conciniâ¦
Brusquement, le ton de Tilly changea.
â Tu veux dire : le gouverneur de Normandie⦠Ce serait Longueville⦠fit-il d'une voix chargée d'inquiétude.
â Qui d'autre ? Mondreville est au plus proche de Longueville, nous a-t-on expliqué. Et il a toujours besoin d'argent.
â Ce serait effroyable ! Condé exige Pont-de-l'Arche pour son beau-frère. Que l'affaire soit découverte et le Prince passera pour le complice d'un larron, voire un larron lui-même.
â Il faut le prévenir, décida Fronsac. Il pourra parler au duc, le raisonner. Si Monsieur le Prince est impliqué dans cette criminelle entreprise, il est perdu.
Il retint un soupçon encore plus grave qui le tourmentait. Pichon n'avait-il pas dit être officier du Prince ?
1 Ces lettres, portant le sceau de la grande chancellerie, donnaient à leur porteur le droit d'exécuter une sentence ou un décret de prise de corps sur le territoire de n'importe quel parlement ou tribunal criminel.
2 Colonel français mercenaire possédant son propre régiment. Protestant, il fut proche de Condé et participa à la victoire de Rocroy.
3 Voir La Conjecture de Fermat , du même auteur.
4 Voir L'Homme aux rubans noirs , du même auteur.
5 Ce qu'on appelait les blés comprenait le froment, le seigle, l'orge, le méteil, et plus généralement les céréales.
6 Voir Marseille, 1198 , du même auteur.
7 Voir L'Homme aux rubans noirs , du même auteur.
8Â C'est-Ã -dire de les affermer.
Cinquième partie
La tentation des grands
32
L e mercredi 19 août, comme convenu, Bréval s'était rendu à Mantes, à l'auberge du Gros-Poisson . Pichon, Canto et Sociendo ne s'y trouvaient point. Il les avait donc attendus la journée durant, puis avait soupé et passé la nuit sur place. Contrarié, il était rentré chez lui, en laissant une lettre à l'aubergiste destinée à ses compères. Dans ce mot, il leur demandait de le prévenir dès leur arrivée.
Le vendredi, le garçon de la poste, qui passait une fois par semaine à Mantes, lui apporta une missive. Mais ce n'était pas celle espérée. Dans ce courrier, les parents d'Anaïs annonçaient leur retour. Ils seraient chez eux le 22 août et demandaient à Bréval de ramener leur fille, ou de la faire ramener avec sa dame de compagnie. Ne pouvant s'absenter, il ordonna à son cocher de conduire Anaïs au Coudray le lendemain. Au fond de lui, il admettait ne pas être mécontent qu'elle parte : depuis leur dernière discussion il ne l'avait plus revue et elle s'était cloîtrée dans sa chambre pour prier, acceptant juste de recevoir du bouillon.
Rendu à Richebourg pour se renseigner, Bréval avait seulement eu confirmation de la disparition de Thibault et de la mort de son domestique. L'enquête avait été transmise au prévôt de Montfort.
Le négociant s'était demandé avec inquiétude si Charles
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