La malediction de la galigai
Mondreville pouvait être responsable de quelque chose dans cette affaire, puis s'était rassuré en songeant que si Charles avait tué Richebourg, on aurait retrouvé son corps. De plus, il aurait eu besoin de complices, or il ne disposait pas d'amis. Ãvidemment, il avait envisagé la participation de Pichon et Canto, ce qui aurait expliqué la blessure de l'officier, mais il ne pouvait les interroger, puisqu'ils ne se manifestaient pas.
*
Le samedi et le dimanche passèrent sans nouvelles ; aussi le lundi 23 août Bréval se rendit-il chez Mondreville.
Le lieutenant du prévôt de Rouen avait envoyé au gouverneur de Normandie un mémoire décrivant l'agression de Gaston de Tilly et la raison de son enfermement au cachot afin de le corriger. Seigneur haut justicier, il en avait le droit, se justifiait-il. Le duc n'avait pas répondu, mais certainement s'occupait-il d'affaires autrement plus importantes. Pour autant, Mondreville n'avait pas sollicité de décret de prise de corps contre Tilly, comme conseillé par Bréval : si la chambre de la Tournelle 1 s'intéressait de trop près à lui, cela provoquerait de fâcheuses enquêtes, tant quant au vol des tailles de 1617 que relatives à la mort des parents de Tilly. Mieux valait, sur ce point, faire profil bas.
Bréval dîna avec Mondreville et son fils. Après le repas, les domestiques les ayant laissés seuls, ils évoquèrent l'absence de Pichon, Canto et Sociendo.
â à cause de Fronsac et Tilly, ils ont eu peur et ne reviendront pas, estima Bréval.
â Seulement, eux seuls pouvaient apprendre les dates du transport, observa sombrement Mondreville.
â D'autres doivent forcément les connaître ! intervint le jeune Charles.
â Tu as raison. Outre le receveur général, il en existe au moins un : le gouverneur de Normandie, répliqua énigmatiquement Bréval.
â Longueville ? Tu crois possible de l'interroger ? éclata de rire Mondreville. Je t'ai pourtant dit qu'il ne m'a même pas reçu la dernière fois où je lui ai demandé audience. Alors, lui suggérer de devenir voleur de grand chemin, nous finirions pendus et étranglés. Le duc est d'une autre étoffe que Concini !
â Je ne te propose pas d'aller le voir, sourit Bréval. En vérité, je pensais plutôt à des intercesseurs. Si des gens de sa race lui suggèrent de saisir les tailles, il les écoutera. En période de guerre civile, s'approprier les biens de son ennemi constitue une action d'éclat, et non un rapinage.
â Peut-être, reconnut Mondreville.
â Seulement, cela entraînera pour nous une part réduite.
â Nous verrons ! Lors du dernier partage, Concini n'a pas eu grand-chose ! ricana le prévôt. Dis-moi plutôt ce que tu as envisagé.
â Je songeais au duc de Beaufort. Il a passé cinq ans en prison, s'est évadé en se brisant un bras et, maintenant que tout le monde a fait la paix avec Mazarin, que tous les capitaines de la Fronde ont obtenu des récompenses pour s'être révoltés contre le roi, lui n'a rien obtenu. Trouves-tu cela juste ?
â La vie est injuste, mon ami.
â Si nous pouvions convaincre Beaufort de l'intérêt pour les frondeurs à voler les tailles, il en parlerait à Longueville. Ne se trouvaient-ils pas alliés durant la fronderie et Beaufort ne doit-il pas épouser une fille Longueville ?
â Comment le convaincre ?
â Tu t'es rendu plusieurs fois à Anet, tu connais du monde là -bas. Dimanche, à l'église, j'ai entendu dire qu'il s'y trouvait actuellement, son père lui ayant demandé de le rejoindre.
â Je ne peux débarquer à Anet rencontrer le duc et lui proposer de voler les tailles de Normandie ! fit Mondreville en haussant les épaules. Beaufort est le petit-fils d'Henri IV, tout de même ! Il me tuera ! D'ailleurs, il ne me recevra même pas.
â Quand il n'était que roi de Navarre, Henri IV tirait gloire de dérober les bagages et les biens des capitaines du roi de France, rétorqua Bréval, aussi veux-je bien lui parler, moi. Quant au moyen de rencontrer Beaufort, je t'en propose un : j'ai entendu dire qu'un ancien commis des Aides que je connaissais se trouvait désormais chargé
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