La malediction de la galigai
pour un grand seigneur.
Comme la veille, Bréval les suivit, mais cette fois accompagné du père et du fils Mondreville.
Au cabaret, ils les virent rejoindre une embarcation amarrée au ponton de planches qui s'avançait dans la rivière, sans doute pour y monter, les trois hommes discutant avec celui qui gardait les chevaux. Mondreville père quitta alors ses compagnons et s'approcha. Lorsque le marinier reconnut le prévôt, il détacha précipitamment la corde qui tenait sa barque et, sous les yeux surpris de Canto, Pichon et Sociendo, la poussa dans le courant, sauta à bord et s'éloigna en ramant avec vigueur, certain qu'il se retrouvait malgré lui dans quelque affaire louche à laquelle il ne voulait être mêlé.
Contrariés, les trois hommes se tournèrent vers Mondreville. Canto et Pichon avaient une main sur leur brette et une autre sur le pistolet glissé à leur ceinture.
â Messieurs, je suis le prévôt Jacques Mondreville. Que faites-vous ici ?
â En quoi cela vous regarde-t-il ? rétorqua Pichon en élevant la voix. Je suis officier de Mgr le prince de Condé et je n'ai pas de compte à vous rendre.
â Je pourrais vous arrêter pour cette insolence !
â Essayez ! ricana-t-il, tandis que Sociendo s'écartait, les mains derrière son dos dissimulant un pistolet et la dague qu'il lançait avec une grande adresse.
â J'ai mieux à faire, voulez-vous me suivre ? Je préfère vous parler à l'écart des indiscrets.
De fait, outre le garçon qui s'occupait des chevaux, quelques mariniers, devant le cabaret, regardaient le groupe, comprenant qu'il y avait querelle et pariant déjà sur une belle bataille.
Pichon hésita un instant. Ils étaient trois et le prévôt seul. Ãvidemment, peut-être des archers se cachaient-ils dans le bois où il leur demandait de se rendre. Mais quand bien même, pourquoi refuser ? Le prévôt ne pouvait rien leur reprocher. C'était même une occasion unique de l'interroger. Pichon hocha la tête et fit signe à ses amis d'accepter.
Ils partirent vers les taillis où ils s'enfoncèrent par une sente, Mondreville les précédant. Dans une clairière, ils découvrirent Bréval et le fils Mondreville en train de les attendre, assis sur une souche.
Canto, Pichon et Sociendo restèrent interloqués. Le négociant en blé les regardait narquoisement, tandis que les deux Mondreville ne disaient rien.
â Que cherchez-vous ici ? interrogea enfin Bréval. Pourquoi ces questions sur Petit-Jacques ?
â Nous voulons lui parler.
â Petit-Jacques est mort, voilà dix ans. J'étais associé avec lui dans une maison de négoce. C'était un ami et un brave homme. Je ne veux donc pas qu'on ternisse sa mémoire, même s'il a commis des erreurs de jeunesse.
â Belle amitié ! Il avait quand même volé la recette des tailles de Normandie, lança Canto.
â Vous l'avez déjà dit.
â Il fricotait avec un Mondreville, renchérit Pichon.
Piqué au vif, le prévôt glissa sa main vers le pistolet à deux coups glissé dans sa ceinture.
â C'était donc vous ! ricana Pichon à qui le geste n'avait pas échappé. Mais nous ne sommes pas des exempts, vous ne risquez rien.
â Je ne risque rien, en effet, confirma Mondreville en ricanant. C'est vous qui risquez votre vie ! Expliquez-vous ? Que savez-vous ? Que faites-vous ici ?
â Voici la vérité vraie, expliqua Pichon, écartant les mains en signe de bonne foi. Un de nos amis connaît un commis à la Cour des aides. Cet homme est tombé par hasard sur un mémoire écrit pour le duc de Luynes et détaillant le vol de la recette des tailles de Normandie, ici même, près de Moisson. On y nommait Mondreville et Petit-Jacques.
â C'est du passé, oublié.
â Certes. D'ailleurs, le vol avait été préparé par Concini et Luynes s'est attribué l'argent.
Mondreville hocha lentement la tête.
â Ce commis de la Cour des aides a appris qu'un nouveau transport de fonds aura lieu sur la Seine en septembre ou octobre.
â On envisageait donc de le prendre, sourit Canto. Puisque vous êtes le Mondreville du mémoire, acceptez-vous de vous joindre Ã
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