La malédiction des templiers
autre île, beaucoup plus petite celle-là, dénommée Kassos, sa destination officielle. Sa destination réelle se trouvait très exactement dans la direction opposée, mais c’était le stratagème le plus plausible, dans la mesure où le petit aérodrome de l’île était dépourvu de tour de contrôle et où il était indispensable de suivre une procédure rigoureuse s’il ne voulait pas attirer les soupçons. Ce dont il n’avait aucune envie. Trouver des failles dans les procédures, aussi rigoureuses fussent-elles, était devenu pour Steyl une seconde nature. Il savait très exactement ce qu’il faisait, sans doute mieux que quiconque dans la profession.
Il atteignit l’altitude qui lui avait été accordée moins d’une minute après le décollage, contacta de nouveau par radio la tour de contrôle, qui lui donna pour instruction de se brancher sur la fréquence du contrôleur d’approche. Ce qu’il fit. Il reçut alors l’autorisation de se maintenir à une altitude de quinze cents pieds jusqu’à Kassos et se vit demander de changer encore de fréquence, pour passer sur celle de l’Information d’Athènes cette fois, jusqu’au terme de son voyage. Il fit très exactement ce qui lui était demandé. Mais pas seulement : il coupa son transpondeur. Dès lors, son code d’affichage, ou squawk, son numéro d’immatriculation et son altitude n’apparaîtraient pas sur le radar de la tour. Il ne se manifesterait que par un point parfaitement anonyme.
Le pilote sud-africain continua donc de « faire comme si » et conserva le cap annoncé durant une minute supplémentaire tout en descendant progressivement jusqu’à une altitude de cinq cents pieds. Là, il contacta la tour de nouveau, sans obtenir de réponse. Ce qui le fit sourire. Trop éloigné de tout contact radio, on ne pouvait pas l’entendre, ce qui signifiait du même coup qu’il était hors de portée des radars.
Autrement dit, il était désormais libre de se rendre où bon lui semblait, sans être dérangé.
Il obliqua sur la gauche pour mettre le cap au sud, survola la pointe sud-ouest de l’île de Rhodes et conserva ce cap sur dix kilomètres au-dessus de l’eau, avant de virer brusquement sur l’aile, cap au nord-est cette fois, vers sa destination réelle : un endroit perdu à quelque cinq cents kilomètres de là, loin à l’intérieur du territoire turc.
A cette faible altitude, la visibilité était très mauvaise. Une petite brise associée à une haute pression barométrique avait engendré une légère brume qui stagnait dangereusement au-dessus de la surface de l’eau. Steyl ne pouvait plus apercevoir Rhodes, ce qui voulait dire que personne ne pouvait plus le voir depuis la terre. Le seul risque qui demeurait était celui de se faire repérer par un bateau. Il actionna donc son radar météo, qui lui signalerait les embarcations devant lui. Le cas échéant, il aurait tout le temps nécessaire pour les contourner et poursuivre son voyage clandestin.
Il arriverait à destination au bout d’une bonne heure. Comme il n’envisageait pas de rester au sol plus de quelques minutes, l’aller et retour prendrait deux heures et demie, grand maximum. Parfait pour ce qui était censé être un vol d’agrément, à basse altitude, vers une petite île sans tour de contrôle. Son absence ne serait pas signalée.
Il consulta sa montre, puis sortit son téléphone satellitaire et appela Zahed. Il lui fit savoir où il en était avant de s’adosser à son siège et de profiter de la vue alors que les deux turbopropulseurs du Cessna entraînaient le petit appareil au-dessus des côtes turques. Si tout se passait comme prévu, il envisageait de faire ses adieux à l’Iranien à la fin de la journée. Il retrouverait ensuite sa villa, à Malte, où, confortablement installé au bord de la piscine, une bière bien fraîche à la main, il pourrait réfléchir tranquillement à la meilleure façon de dépenser ses dernières rentrées d’un argent facilement gagné.
Zahed attendait sur la rive du lac salé, regardant le soleil se hisser au-dessus de sa surface impeccablement plane, d’un blanc immaculé.
En milieu de matinée, il aurait l’apparence d’une immensité neigeuse presque infinie sous une coupole d’un bleu parfait, mais pour le moment le soleil, encore très bas sur l’horizon, le teintait d’un bronze chatoyant. Encore un paysage invraisemblable, se dit l’Iranien, qui en avait vu au cours des
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