La malédiction des templiers
saisir.
— J’espère que vous avez raison, dit la vieille Turque avec un sourire, que Tess tenta tant bien que mal de lui rendre, malgré les images affreuses qui se bousculaient dans son esprit.
61
Reilly se réveilla en sursaut, rejeta brutalement la tête en arrière en inspirant : une odeur âcre emplissait ses narines, puanteur effroyable qui lui rappelait celle de corps en décomposition. Ses yeux s’écarquillèrent, sa vision retrouva toute sa précision alors même qu’il avait l’impression d’avoir le cerveau en bouillie.
L’Iranien était là, tout près, à quelques centimètres à peine de son visage. Il tenait une ampoule, sous le nez de Reilly, l’obligeant à en renifler le contenu beaucoup plus longtemps qu’il n’était nécessaire. Il transpirait profusément, animé d’une énergie nerveuse anormale, et jouissait à l’évidence du vif désagrément qu’il causait à son passager involontaire. Puis il rangea l’ampoule et se recula, permettant à Reilly de mieux le voir.
— Te voilà donc de retour parmi nous, dit Zahed. C’est parfait, pour rien au monde je n’aurais voulu que tu rates ça.
Reilly ignorait de quoi il parlait. Le moment où les mots sortaient de la bouche de son ravisseur et celui où son propre cerveau les décodait ne coïncidaient pas encore tout à fait. Mais ces paroles ne laissaient présager rien de bon. Il songea alors à Tess, et il regarda autour de lui, inquiet à l’idée de l’apercevoir elle aussi. Il ne la vit nulle part.
— Non, elle n’est pas là, lui confirma l’Iranien, comme s’il lisait dans ses pensées. Nous n’avons pas eu le temps de remettre la main sur elle. Mais je suis sûr que je la retrouverai d’ici peu. Avec grand plaisir.
Le sang de Reilly ne fit qu’un tour. Il veilla cependant à n’en rien laisser paraître. Inutile de donner à l’Iranien la satisfaction de le voir perturbé. Il s’appliqua au contraire à sourire et essaya de dire quelque chose, mais sentit ses lèvres enflées se craqueler. Il les humecta d’un coup de langue avant de lancer d’une voix rauque :
— Très bonne idée, si tu veux mon avis. Elle n’a pas encore d’amis homos.
La main de l’Iranien s’abattit sur la joue de Reilly.
L’Américain détourna la tête un moment, le temps que la douleur s’apaise, puis fit face à son ravisseur.
— Oh, désolé, dit-il en esquissant un sourire. J’ignorais que tu n’avais pas encore fait ton coming out. Mais ne t’inquiète pas : cela restera entre nous.
L’Iranien leva de nouveau la main, mais se ravisa et dit, en souriant à son tour :
— Elle réussira peut-être à me convertir. Qu’est-ce que tu en dis ?
La tête encore lourde, Reilly décida d’en rester là et de ne pas irriter davantage son ennemi. Il essaya de se concentrer pour comprendre où il se trouvait exactement, constata qu’il était dans un petit avion, dans la cabine duquel il semblait impossible de tenir debout. Mû par des turbopropulseurs, à en juger par le vacarme des moteurs.
Un appareil en vol.
Quand cette constatation prit la forme d’une évidence, Reilly sentit sa pression sanguine s’accélérer, ce qui n’améliora pas son état, déjà plus que précaire : une migraine atroce lui vrillait le crâne, sa respiration était hachée et pénible. Du sang séché lui obstruait les narines, empêchant en grande partie l’air de pénétrer dans ses poumons, qui souffraient également du tabassage en règle dont on l’avait gratifié. Sa gorge était en outre encombrée d’un mélange de mucus et de sang qui faisait monter jusqu’à son nez des remugles nauséabonds. Ces sensations furent bientôt remplacées par l’intense douleur qui irradia de toutes les parties de son corps dès que ses neurones retrouvèrent leur fonctionnement normal. Il avait les paupières lourdes et se rendit compte que l’un de ses yeux était à moitié fermé, conséquence évidente du passage à tabac. Il comprit aussi qu’il avait certainement plusieurs côtes fêlées, et probablement perdu une dent ou deux. Bizarrement, il n’avait plus ni chaussettes ni chaussures.
Il était allongé sur une espèce de siège capitonné à l’arrière de la cabine, une banquette en forme de L contiguë à une cloison en contreplaqué qui séparait cette petite niche du reste de la cabine. Il essaya de bouger, pour constater qu’il avait les mains liées dans le dos. Sous la pression, ses articulations
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