La malédiction des templiers
souffraient terriblement, douleur qu’aggravaient encore l’enflure et les hématomes aux endroits où le lien mordait dans sa chair.
Il jeta un coup d’œil par le petit hublot ovale face à lui : pas un nuage. Il ne vit rien que le ciel d’un bleu d’azur, d’une pureté sans tache, et chercha à déterminer la direction prise par l’avion. Le soleil semblait pénétrer dans la cabine par l’avant de l’appareil, un peu sur la droite, à un angle de quarante-cinq degrés environ, avec une intensité toute matinale. Ce qui laissait entendre qu’ils volaient en direction de l’est. Vers l’est, depuis un endroit situé quelque part au centre de la Turquie…
Mentalement, il se représenta une carte. A l’est, rien de bien bon… Pas pour lui, en tout cas. Syrie, Irak, Iran. Assurément pas les endroits au monde les plus accueillants pour un agent du FBI.
Le sang se mit à couler plus vite encore dans ses veines.
— On va vers l’est, dit-il en regardant l’Iranien.
Celui-ci garda le silence.
— Que se passe-t-il ? Ton visa a expiré ? lança Reilly.
Zahed esquissa un sourire.
— La cuisine me manquait.
Reilly regarda la main de son ennemi : elle avait sale allure. Le bandage était mal serré, tire-bouchonné et taché de sang.
Reilly la désigna d’un signe de tête :
— Tu vas avoir besoin d’aide pour couper tes steaks.
Le sourire de l’Iranien s’évanouit. Il rumina un moment en silence, serrant les dents, puis sa main droite vola et gifla violemment Reilly.
Il inspira profondément avant de proférer :
— Rigole tant qu’il est encore temps. Tu en auras moins l’occasion quand on aura atterri.
Reilly se repassa une série d’images des plus déplaisantes, d’otages détenus des années durant en territoire ennemi dans des cellules infâmes, enchaînés aux murs, torturés, violés, abandonnés de tous jusqu’à ce qu’une maladie fatale finisse par les libérer de leurs tourments. Sur le point de dire quelque chose, il se retint en pensant soudain à tout autre chose, qui poussa sa pression sanguine plus loin encore dans la zone rouge.
Le rapport. Celui dont il avait eu connaissance à Istanbul.
Celui qui concernait cet agent d’un aéroport italien, dont on avait retrouvé le corps, les os pulvérisés. Celui dont on pensait qu’il avait été précipité d’un hélicoptère ou d’un avion.
Vivant.
Il essaya de surmonter sa peur et de deviner ce que cachait l’air entendu de l’Iranien.
— Je ne sais même pas ton nom, lança-t-il.
L’Iranien hésita un moment, se demandant s’il devait ou non répondre, puis lâcha :
— Je m’appelle Zahed. Mansour Zahed.
— C’est bon à savoir. Je ne voudrais pas que tu te fasses enterrer dans une tombe anonyme. Tu n’aimerais pas trop ça, hein ?
L’Iranien esquissa de nouveau un pâle sourire.
— Comme je te le disais tout à l’heure : profites-en bien. Cela te fera des souvenirs pour plus tard. Beaucoup plus tard.
Zahed fixait Reilly avec une curiosité à peine dissimulée.
Il hésitait encore entre deux options, toutes deux extrêmement séduisantes.
L’une d’elles consistait à emmener Reilly en Iran. Le faire boucler dans un trou à rats perdu au fin fond du pays. S’amuser un peu avec lui pendant les années à venir. L’agent lâcherait à coup sûr un maximum de renseignements. Car on finirait par le briser, sans aucun doute : il raconterait alors tout ce qu’il savait sur le FBI, sur les procédures, les protocoles de la Sécurité intérieure américaine. Après avoir remis la main sur le trésor de Nicée, ramener au pays le chef de l’unité new-yorkaise du FBI chargée du contre-terrorisme – et cela sans laisser la moindre trace permettant de remonter jusqu’à lui, donc à l’Iran – représenterait pour Zahed la cerise sur le gâteau.
Zahed se laissa aller un moment à rêver jusqu’à ce que le sens des réalités reprenne le dessus. Il était pragmatique et voyait déjà comment tout cela risquait fort de se terminer : Reilly finirait par lui échapper. L’agent américain était un trop gros morceau. Il susciterait inévitablement un vif intérêt dans des cercles divers. D’autres personnalités entreraient en jeu. Des gens qui auraient sans doute d’autres idées sur le meilleur moyen de tirer parti d’un tel atout. Peut-être même feraient-ils de Reilly l’objet d’un marchandage, d’un échange contre quelque chose, ou
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