La malédiction des templiers

accusé d’en avoir parlé, l’assistant n’a pas nié. Au contraire, c’est lui qui a engueulé Sharafi en lui reprochant de ne pas avoir fait de rapport sur ses recherches et en expliquant qu’il était de son devoir de s’en charger personnellement.
    — De son « devoir » ? Mais qui était donc cet homme ?
    — Un doctorant. Originaire d’Iran.
    — Et le tueur ? Sharafi savait d’où il venait ?
    — D’Iran, lui aussi. C’est en tout cas ce qu’il nous a dit.
    — Il en était sûr ? demanda Reilly, sentant son pouls s’accélérer.
    Tess resta songeuse une demi-seconde.
    — Il a juste dit qu’il était iranien. Il semblait n’avoir aucun doute là-dessus.
    Reilly fronça les sourcils : ce n’était de toute évidence pas la réponse qu’il espérait ; cela dit, après les événements de la journée, il n’y avait pas vraiment lieu de s’en étonner ; tout cela commençait à ressembler furieusement au sale boulot d’un service secret. Le service secret d’un pays qui n’avait pas la réputation de retenir ses coups. Ce qui n’augurait rien de bon pour le proche avenir.
    — Quoi qu’il en soit, Sharafi a reçu le message cinq sur cinq, poursuivit Tess. Il devait coûte que coûte obtenir des résultats. Et lorsqu’il s’est trouvé dans l’incapacité de progresser dans ses recherches, il en a conclu qu’il lui fallait demander l’aide d’un spécialiste des Templiers…
    — Il s’est donc rendu en Jordanie, intervint Tilden. Pour consulter votre ami Simmons.
    Tess opina.
    — Il n’était pas au top, comme on peut l’imaginer. Au début, il a essayé de le cacher. Il ne nous a pas raconté toute son histoire, se contentant de nous dire que, dans le cadre de son travail pour une monographie en cours, il essayait de retrouver la trace d’un chevalier templier du nom de Conrad, qui s’était retrouvé à Constantinople en 1310.
    — Mais je croyais que tous les Templiers avaient été arrêtés en 1307 ? s’étonna Reilly.
    — Les mandats d’arrêt ont été délivrés en octobre 1307, en effet. Mais plusieurs Templiers ont réussi à prendre la poudre d’escampette avant que les sénéchaux de Philippe le Bel ne leur mettent la main dessus. Beaucoup de Templiers français, par exemple, se sont ainsi réfugiés en Espagne et au Portugal, pays où les ordres locaux demeuraient plus ou moins sous la protection de leurs souverains. Ils ont changé de noms pour échapper aux recherches quand les inquisiteurs papaux se sont pointés pour les arrêter. En Orient, les Templiers avaient perdu toutes leurs bases en Terre sainte bien longtemps auparavant. Acre est tombée en 1291, si ma mémoire est bonne. Leur dernier bastion dans la région était situé sur une petite île du nom d’Arwad, au large des côtes syriennes. Ils en ont été chassés en 1303, et les Templiers survivants se sont retrouvés à Chypre, où ils ont eu rapidement des ennuis : ils ont aidé le frère du roi à renverser le souverain légitime, et quand celui-ci a récupéré son trône, il s’est empressé de se débarrasser des quatre Templiers qui avaient dirigé les opérations : ceux-ci ont été condamnés à la noyade et leurs compagnons à l’exil. Mais il est certain qu’ils ne pouvaient pas retourner dans leurs patries respectives, en Europe, où ils auraient été immanquablement arrêtés. Nous savons très peu de chose sur ce qu’ils sont devenus.
    — On peut donc présumer que Conrad faisait partie de ces rescapés, conjectura Reilly.
    — C’est en tout cas ce que pensait Jed, fit Tess. En consultant ses archives, il a retrouvé la mention d’un chevalier du nom de Conrad jusqu’aux arrestations, à Chypre. Mais après cela, plus aucune trace, rien. Ce qui n’est d’ailleurs pas surprenant. Une fois condamnés à l’exil par le roi de Chypre, Conrad et ses compagnons n’avaient sans doute aucune envie de retourner en Europe, où des armées d’inquisiteurs ne demandaient qu’à leur sauter sur le râble. D’après Jed, ils s’étaient probablement installés dans de grandes cités comme Antioche ou Constantinople pour y vivre incognito. Fin de l’histoire. C’est là que Sharafi a craqué. Il nous a raconté toute l’histoire, dans le moindre détail, et Jed… Jed a décidé de faire tout ce qui était en son pouvoir pour lui venir en aide. Et moi aussi. On n’était plus en présence d’une recherche universitaire ordinaire. Il était clair