La malédiction des templiers
trouble.
— Tu veux dire que tu en es à te demander si on a eu raison d’essayer de faire un bébé ? s’étonna-t-elle.
— Le problème n’est plus à l’ordre du jour, si ?
— Et justement, s’il l’était ?
Il s’accorda un instant de réflexion et se surprit lui-même en se rendant compte qu’il n’était plus sûr de rien.
— Je ne sais pas. C’est à toi de décider. Ce que je veux dire, c’est qu’on fait toi et moi de drôles de métiers. Toi, avec tes polars sur des périodes oubliées qui ont tendance à faire sortir du bois toutes sortes de cinglés. Et moi, chargé d’alpaguer des gus qui, dans leurs rêves les plus lubriques, envoient des avions s’écraser contre des gratte-ciel. Quels parents aurait-on fait, je te le demande ?
La jeune femme balaya l’objection d’un geste de la main.
— Qu’est-ce qu’on va faire, dans ce cas ? Tout laisser tomber et jouer au scrabble tous les soirs en sirotant notre camomille ? Comme tu viens de le dire, on est comme ça, toi et moi. On fait notre job. Et avec ou sans ça, on ferait des parents super, je n’en doute pas un instant, ajouta-t-elle avec un sourire en lui reprenant la main. Ecoute, ne t’en fais pas. Tu es un mec, tu n’es donc pas censé comprendre ce genre de chose. Pour ça, tu me laisses faire, OK ? Tout ce que j’attends de toi, c’est que tu me dises que, si ça ne marche pas pour nous sur ce plan, on ne se quittera pas pour autant… et que, en attendant, tu ne laisseras pas cet affreux faire un carton sur toi. On marche comme ça ?
Reilly sentit soudain la fatigue s’abattre sur ses épaules. Il fit oui de la tête et adressa à Tess un petit sourire, avec l’impression que ses paupières étaient lourdes comme du plomb.
— On marche comme ça.
En dépit des paroles de Tess et de son état d’épuisement, les images du carnage au Vatican ne cessaient de hanter les replis les plus obscurs de son cerveau. Il ferma les yeux et, décidant qu’un petit somme ne lui ferait pas de mal, se laissa aller contre l’appuie-tête. Il avait absolument besoin de dormir, mais le sommeil continua de le fuir, et il savait qu’il ne viendrait pas avant longtemps.
Pas avant la fin de la battue.
28
Les alpages, les vastes vergers et les vignobles cédaient la place à des espaces plus rudes, plus rocailleux au fur et à mesure que Zahed et Simmons s’élevaient en altitude, en suivant toujours la Toyota toute cabossée de leur guide.
La route asphaltée, avec son macadam fissuré et ses nids-de-poule dus aux intenses variations de température, était à peine plus large que leurs deux véhicules. Après quelques kilomètres, elle se transforma en une piste plus étroite encore, que des mules auraient eu beaucoup de mal à gravir, mais cela ne sembla pas décontenancer Sully. Le Turc continua d’avancer sans mollir, le diesel fatigué de son 4 × 4 peinant dans la pente aussi raide que cahoteuse, les ressorts de sa suspension se tendant et se comprimant comme quatre gros yoyos. Ils continuèrent de monter péniblement ces pentes désolées, jusqu’à ce que la piste s’arrête en cul-de-sac devant une petite clairière, au pied d’un gros escarpement rocheux.
Le guide leva les yeux vers le soleil, pratiquement au zénith, puis consulta sa montre.
— On va laisser les tentes et tout le barda ici, et voyager léger. Comme ça on pourra couvrir plus de terrain. Mais il faut qu’on soit revenus au coucher du soleil, ce qui nous laisse à peu près huit heures.
— J’espère que vous nous avez apporté tout le matériel de randonnée nécessaire, dit Zahed.
— Je crois que j’ai tout ce qu’il vous faut, répondit Sully en sortant de sa voiture un gros sac. Tee-shirts, shorts, polaires, chaussettes, chaussures. Messieurs, servez-vous. La montagne nous attend.
Après qu’ils eurent parcouru l’étroit sentier serpentant au flanc de l’abrupt escarpement rocheux qui dominait la clairière, ils progressèrent sans rencontrer de difficulté majeure durant la première heure, traversant plusieurs yaylas , ces pâturages de haute montagne qui bordaient le volcan dans une série d’ondulations de terrain. Malgré le soleil d’août, l’air devenait plus vif et plus sec à mesure que les randonneurs gagnaient en altitude, contraste frappant après la fournaise saturée d’humidité qui régnait au pied de la montagne. Çà et là, des troupeaux – de moutons, de bovins et de ces
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