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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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démoralisante, Marguerite lui servit, sur mon invitation, un franc pichet de vin nouvellement pressé. Celui qui montait plus vite à la tête qu’un vin de singe. Ou de lion, selon l’humeur.
    Je lui tendis nonchalamment mon godet, l’esprit volant vers des pensées d’une autre nature.
     
     

     
     
    De retour dans ma chambre, après avoir vidé cul sec le vin que Marguerite m’avait servi et l’avoir raqué incontinent, dans un mouvement d’humeur méchante je fus à deux doigts de briser une petite statuette de bois peinte. Une Vierge à l’Enfant. Un cadeau de mon père Thibaut.
    Sur le point de commettre l’irréparable sacrilège, le souvenir du pacte du Diable que j’avais passé avec la baronne Éléonore de Guirande me saisit l’esprit. La terrible parenté que je venais de découvrir torturait mon âme et accablait mon corps. N’était-elle pas punition divine pour avoir osé passer avec la châtelaine un pacte diabolique ? Je récusais tout à trac cette inimaginable hypothèse.
    La Vierge de Roc-Amadour, que j’avais violemment saisie pour la briser, dressait sa frêle silhouette de bois sculpté dans ma main. L’Enfant Jésus qu’elle tenait dans ses bras contemplait sa Mère. La Mère posait les yeux sur son Enfant. L’un et l’autre souriaient, visages de grâce et de bonté.
    Ma main fut soudainement agitée par un tremblement que je ne pus contrôler. La statuette m’échappa des doigts, chut et se posa avec grâce, quelques pouces plus bas, sur ma petite table de travail, sans hésitation. Sans vaciller, droite et immortelle. Dans un moment d’hallucination, je crus voir les yeux de la Mère et de l’Enfant se lever vers moi. Le sol monta brusquement vers mon chef. Mon crâne explosa aussitôt en le heurtant.
     
    Bouleversé par la lecture des deux parchemins contenus dans le chilindre, j’avais erré comme une âme en peine, tantôt abattu, tantôt révolté contre la fatalité qui m’accablait. Ma vie entière venait de basculer. De plonger dans le néant. Peut-on imaginer ce que je ressentis ce soir-là ?
    Depuis près de quatre ans, j’avais lutté contre doutes et souffrances, pour poursuivre avec une farouche volonté la quête de la chimérique gente fée aux alumelles qui m’était apparue dans un songe, par une nuit glaciale de l’hiver 1345. Envers et contre tous, bousculant la conspiration du silence qui sourdait autour de moi, j’avais déjoué pièges, embûches, tentatives d’assassinat, essuyé et surmonté sarcasmes et moqueries, avec une constante opiniâtreté.
    Jusqu’à acculer mes détracteurs à reconnaître qu’Isabeau de Guirande, que je croyais m’être promise dans mes rêves les plus fols, vivait à quelques lieues de moi. Que sa douceur, sa beauté et sa sagesse régnaient sur le village de Commarque et sa bonté, dans les maladreries des alentours. Jusqu’au moment où j’avais appris qu’elle était atteinte de cécité depuis son jeune âge.
    Un sacré coup de massue s’était abattu sur mon crâne. Il n’était rien comparé à celui que je venais de recevoir à la lecture d’un des deux parchemins. J’avais tout imaginé. Tout. Sauf ce que je venais d’apprendre : Isabeau de Guirande était ma sœur. Ma demi-sœur, plus précisément.
     
    Je ramassai les parchemins qui avaient glissé sur les dalles du plancher. Aucun doute n’était possible. Les familles Brachet de Born et Guirande de Laurec étaient unies par les liens du second mariage que mon père Thibaut avait contracté avec Marie de Guirande, au décès de ma mère Claire de Soubise. Marie de Guirande était également morte en couche après avoir mis au monde une fille, Isabeau Brachet de Guirande.
    Sa mère était née de l’union de Pierre Guirande de Laurec, un descendant en ligne directe de dame de Guirande, ensevelie vivante dans un puits de son château de Lavaur, au mois de mars de l’an 1211, et de Jeanne Mirepoix de la Tour, descendante des familles de Montréal, de Cabaret, de Morenci et de Mirepoix de la Tour. La tragédie des hérétiques albigeois reprenait vie et mort sous mes yeux dans les atrocités et les flammes des bûchers dressés par les croisés de langue d’oïl.
    Arnaud de la Vigerie était reconnu comme le fils légitime de Barthélémy Méhée de la Vigerie, échevin anobli par les fonctions de garde du sceau royal qu’il exerçait en la cité portuaire de la Rochelle, et d’Éléonore de Guirande, épouse en premières noces

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