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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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chimère prenait consistance.
    Ma sœur connaissait-elle le mot de passe ? C’était plus que vraisemblable. Si elle venait à disparaître prématurément sans l’avoir transmis, ce qu’à Dieu ne plaise, les lettres à changer, où qu’elles se trouvassent, vaudraient autant qu’un pet de lapin.
     
    Plus surprenant encore s’il était possible, j’avais appris que des fioles contenant l’eau et le sang du Christ étaient en l’an de grâce 1307, en possession de l’Ordre du Temple de Salomon et de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Ce dernier les avait remises en notre présence au père Louis-Jean d’Aigrefeuille par les soins de leur trésorier de la commanderie hospitalière de Châtel-Rouge, en l’île de Chypre.
    La raison invoquée était simple : lorsque frère Joseph Al-Hâkim, devenu Joseph Jérusalem de l’Hôpital, avait appris la terrible maladie dont étaient victimes les croisés du roi Saint Louis à Carthage en 1270, il avait aussitôt embarqué, muni de toutes les fioles, pour en administrer la potion aux mourants. Convaincu de leur pouvoir miraculeux, il les avaient réparties entre les Templiers et les Hospitaliers survivants. Certaines d’entre elles guérirent-elles les malades ou les précipitèrent-elles dans la mort ? Quoiqu’il en fut, des fioles intactes regagnèrent la terre de France et furent conservées dans les commanderies des deux Ordres. Le parchemin que j’avais sous les yeux l’attestait sans équivoque possible.
    Tout s’expliquait dès lors : les fioles sacrées, présumées contenir l’eau et le sang du Christ, et le modeste trésor du chevalier Foulques de Montfort (il m’était apparu considérable, à l’époque), étaient détenus par les Hospitaliers depuis la dissolution de l’Ordre du Temple !
    L’immense fortune accumulée par les hérétiques albigeois était-elle aussi passée alors discrètement entre les mains de l’Hôpital, lorsqu’une grande partie des biens templiers leur avait été dévolus par ordonnance royale de Philippe le Bel, quatrième du nom ? Si tel était le cas, bien ténue était la probabilité de la récupérer. J’en fus tout déconfit. Tous mes espoirs s’effondraient. Pour laisser place au néant !
    Enfin, le document stipulait que les légitimes bénéficiaires ne pouvaient revendiquer la restitution du fabuleux trésor des Parfaits, qu’à la condition de produire l’acte de succession ou un acte de donation des héritiers légitimes, les titres de propriété (des lettres à changer) qui leur avaient été remis par les trésoriers de l’Ordre du Temple et… le mystérieux mot de passe !
    Je détenais par-devers moi deux des trois fioles et l’acte de succession. Mais j’ignorais la signification exacte de l’arcane des douze Maisons, de la date du calendrier de l’hégire (année et jour) et de ce qui était vraisemblablement une confirmation du lieu où se trouvaient les lettres à changer (az-samt 31.47). D’autre part, plus grave, l’héritière légitime de ce trésor, ma sœur Isabeau de Guirande, ne serait pas sous ma protection directe avant son retour de l’abbaye de Saint-Cyprien.
     
    Je chus de Charybde en Scylla lorsque je lus que, plus incroyable encore, les Templiers, pressentant les menaces que Philippe le Bel et le pape Clément, cinquième du nom, laissaient planer sur leur Ordre et ses dignitaires, auraient pu confier par mesure de sauvegarde, dès la fin de l’été 1307, l’administration d’une grande partie de leurs biens à leurs frères du Deutsche Ritterorden de l’Ordre de Sainte-Marie des Teutoniques ! Ils s’en sentaient plus proches par la Règle, que des Hospitaliers auxquels de sanglants conflits d’intérêts les avaient souvent opposés ! L’administration des biens, c’est-à-dire ceux qu’ils détenaient en propre et ceux dont d’autres confréries leur avaient confié la gestion.
    Peut-être aussi, les Templiers auraient-ils ouï dire que le roi Philippe le Bel envisageait de réserver aux frères de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem le même traitement que celui qu’il s’apprêtait à leur infliger ?
    Si j’étais persuadé que les lettres à changer étaient cachées en quelque endroit de la grande et belle salle souterraine, sur la voie de laquelle m’avait mise Marguerite en un soir mémorable, il ne faisait aucun doute à mes yeux que la contre-valeur du trésor des hérétiques albigeois avait

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