La Marque du Temple
Dieu bon.
On obtenait ainsi les nombres 1347 et 1365. En me reportant aux vers du roman de Chrétien de Troyes, j’avais été profondément déçu de constater que le passage évoqué ne présentait aucun intérêt pour la résolution de l’énigme. Mais, loin de renoncer, j’avais repris le texte du parchemin écrit de secrète manière.
Jusqu’à ce que je comprisse qu’il convenait d’ajouter aux valeurs précédemment obtenues, soit deux fois le nombre 260, ou mieux, quatre fois le nombre 130 (ce qui revenait au même), c’est-à-dire le produit des quatre éléments fondamentaux de la vie : la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu, représentés dans la grande escarrie parfaite de l’eschaquier, symboles de la vie et de la mort. Je me souvenais que la somme des lignes et des colonnes d’icelle était en toujours égale à 130.
C’est alors, que fort de cette dernière supposition, j’avais lu et relu les versets du roman avant de me rendre dans la splendide salle souterraine qui nous avait émerveillés, lorsque nous avions cheminé comme des taupes, quelques mois plus tôt, pour rejoindre le château de Commarque.
Muni d’une gomme arabique, d’une outre de vinaigre, d’un cotel et d’un grattoir en corne, j’avais découvert avec stupéfaction moult choses de magnifique et saisissante importance.
I. La table circulaire, que j’avais associée aux chevaliers de la Table ronde, était cerclée d’un large bandeau de bronze ou composé d’un alliage qui m’était inconnu. En la partie supérieure de sa circonférence, étaient estampillés les chiffres I à XII. Sur le plateau de marbre lui-même, douze signes cabalistiques avaient été gravés au burin. Ils ressemblaient, à s’y méprendre, aux douze signes du zodiaque. Un petit trou, aussi rond et de mêmes dimensions que le goulot d’une des fioles contenant l’eau et le sang du Christ (ou la pestilence ?) avait été creusé au centre du marbre dont elle était composée. Ce ne fut qu’après avoir nettoyé et poli leurs surfaces, en éliminant la poussière cristallisée par l’humidité naturelle, que j’avais découvert ces faits étranges qui nous avaient échappés lors du premier examen superficiel auquel nous nous étions livrés.
II. Au pied de chaque cénotaphe des chevaliers des douze Maisons, un diamant enchâssé au centre de chaque écu était étrangement recouvert d’une épaisse couche de sédiments granuleux qui en cachaient l’aspect précieux. Les écus ne portaient aucunes armoiries. Y étaient seulement gravés les chiffres I à XII. Des chiffres analogues à ceux qui figuraient sur la partie supérieure du cerclage de la table ronde. Après vérification sous différents angles de visée, leur inscription n’était pas alignée avec iceux, pour une raison qui me troublait, mais que je ne pouvais encore expliquer à la lumière de mes maigres connaissances en la science de l’astrologie. J’avais certes posé plusieurs questions à ce sujet au barbier de Beynac, en un pli que je lui avais fait parvenir par les deux nouveaux écuyers du baron, Philippe de Castelja et Amould de Ségur, qui nous avaient rendu visite à Commarque. Mais je n’avais encore reçu aucune réponse.
III. Après être monté sur la table ronde pour mieux examiner le sommet de la voûte, j’avais trouvé étranges l’aspect et la forme de la pierre qui scellait la croisée d’ogive. Elle était d’une couleur différente et d’une dimension plus réduite que celle que l’on observe habituellement. Peut-être n’était-ce qu’un effet de faux-semblant à la lumière de ma torche. Cependant, quelque chose, un je-ne-sais-quoi, un vague pressentiment, que mes savants calculs ne pouvaient expliquer, me laissait penser que la clef de voûte recélait un secret à elle seule. Un secret qui pourrait bien ensevelir tous ceux qui n’auraient pas la pureté requise pour faire jouer l’alchimie de l’ouverture du coffre au trésor. Enfin, à en croire la dernière phrase du manuscrit templier. Le goulot d’une des fioles, placé la tête en bas, ne déclencherait-il pas un éboulement d’autant plus terrifiant que je n’étais pas parvenu à en comprendre la mécanique secrète ?
Entre vérité et mensonge, lumière et ténèbres, entre croyances et réalité, le fil peut être plus tenu que celui d’un rasoir du barbier de Beynac. Le fil d’icelui était pourtant toujours bien affûté.
Éléonore ou sa nièce
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