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La Marque du Temple

La Marque du Temple

Titel: La Marque du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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victime de la dernière lâcheté du capitaine d’armes. Et victime de mes propres erreurs de jugement.
     
     

     
     
    Mes douze arbalétriers s’étaient repliés pour prêter main-forte aux autres défenseurs. J’étais seul. Plus de chevalier, plus d’écuyer à mes côtés. Ils avaient obéi à mes ordres. Pour porter renfort et directives à nos compains. J’eus la terrible impression, la terrifiante impression d’être seul. Terriblement seul. Cerné de toutes parts. Le jour de ma nuit de noces !
    Je contournai en courant la chapelle Saint-Jean, esquissai un signe de croix, redoutant un terrible massacre.
    Massacre, il y avait. Une grande mazellerie, une effroyable décipaille. Je heurtai le corps carbonisé d’un des turloins du village qui, passant outre aux consignes, était venu humer l’odeur de la bataille. Il était mort brûlé vif. Après avoir trébuché sur l’un des feux affoués à même le sol. L’odeur de chair brouillie me saisit la gorge.
    Les feux de paille faiblissaient. La plupart des torches et des torchères vacillaient, après avoir consumé la poix, le soufre et la paille dont elles étaient enveloppées.
    Je m’avançai sur les contreforts escarpés, une torche à la main, jusqu’à parvenir près de la Tour Jehan des Escats. Dans un silence inquiétant. Je levai ma torche en un geste dérisoire. Comme pour mesurer à l’échelle de mes craintes le désastre où ma vanité m’avait conduit.
    Je ne vis que des corps inertes qui jonchaient le sol ici ou là, des blessés qui trébuchaient sur les cailloux, des mourants en haillons ou de fervêtus. Des hommes en attente d’un hypothétique paradis. Et quelques femmes aussi, qui gisaient face contre terre.
    Un terrible sentiment, cette peur ancestrale m’envahit derechef tout à trac, ce soir-là. L’impression d’être entre le seuil de la vie et de la mort. Je l’avais déjà ressentie à moult reprises depuis trois ans. Trois ans seulement.
    Une immense clameur s’éleva. Je n’en crus pas mes oreilles : « Vive Brachet de Born ! Vive Beynac ! Mort aux Godons ! » Je me mis à trembler de la tête aux pieds. Un sanglot me saisit la gorge. Je le déglutis péniblement. Mais je n’eus pas de larme à écraser.
    Mes braves gens avaient repoussé l’attaque. Nous avions occis ou blessé, je l’appris peu après, une centaine de nos assaillants et capturé plus de cent soixante d’entre eux. Quarante chevaliers, cent vingt écuyers. Dont un tiers bouffait la merdouille et pataugeait dans le purin entre une porte et une herse, sous la chapelle.
    Nous avions perdu quelques hommes, quelques femmes qui approvisionnaient les archers et avivaient les feux, et deux enfants qui, au mépris de mes recommandations, s’étaient échappés des maisons fortes pour venir danser une estampie mortelle près des flammes qu’ils avaient cru de joie.
    En tentant de prendre la place, de et par la disgrâce d’une trahison fromentée de longue haleine, l’avant-garde, l’élite de l’armée anglaise était décimée ou capturée. De belles rançons, et surtout une belle monnaie d’échange en perspective.
    En bas, dans la vallée, vingt ou trente survivants qui n’avaient pas pris part à l’assaut ou qui avaient réussi à en réchapper, désertaient leur camp, abandonnant leurs morts ou leurs blessés. Leurs feux s’éteignaient l’un après l’autre.
    La brume s’était levée. L’air était maintenant froid et sec. Quelques fumées s’échappaient encore de leurs feux de campement. Je claquai les mains sur mes côtes pour me réchauffer.
     
     

     
     
    Une voix sortie d’outre-tombe me fit sursauter :
    « Ce fut une rude bataille et votre science des armes y fit merveille ! Nous avons fait grand’foison de nobles et valeureux ennemis et en avons capturé suffisamment pour vivre dans l’aisance jusqu’à la fin de nos jours, jubila le chevalier Guillaume de Lebestourac, en se frottant des mains qu’il avait aussi larges que des tranchoirs de pain.
    « Je les ai décompissés ! Au sens propre, exulta le chevalier. J’ai oriné sur ceux qui tentaient de redescendre par les chanlattes ! Ils ont chu, aussi roides que morts, après avoir goûté de mes urines. Mais ils n’étaient point mires. Elle dut leur brûler la gorge plus sûrement que chaude-pisse !
    — Je n’en doute pas, mon ami. Il n’empêche que vous avez enfreint mes ordres, répondis-je sans pouvoir m’empêcher un sourire en

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