La Marque du Temple
des armes blanches. Les épées tourbillonnaient autour de nous, les flèches sifflaient de toutes parts. Ici et là, des blessés se tenaient les tripes, chancelaient ou s’effondraient sur le sol, transpercés par un carreau d’arbalète. D’autres se prenaient la tête à deux mains, atteints au visage avant de s’affaisser.
Un chapel de fer vola dans les airs, immédiatement suivi d’une tête blonde et sanguinolente. Elle acheva sa course entre mes bottes. Ses yeux exorbités me fixaient d’un regard étonné. Je la repoussai du pied. Elle roula avant de s’immobiliser en mordant la poussière. Ce théâtre, d’une luciférienne beauté, qui se déroulait devant mes yeux, avait quelque chose de dantesque et de macabre.
Deux autres chevaliers surgirent à mes côtés. Je leur enjoignis d’ordonner aux plus téméraires qui avaient tenté de repousser l’assaut au corps à corps, de rompre l’engagement. De se replier à l’abri des mantelets disposés en quinconce à l’intérieur de la place pour dégager le champ de tir des arbalétriers et des archers paysans. Ces derniers avaient reçu l’ordre de décocher dès maintenant des flèches enflammées pour semer l’effroi parmi les attaquants et mieux éclairer le champ de bataille.
Les chevaliers s’exécutèrent et quittèrent l’enclos accompagnés des deux écuyers qui se tenaient à mes côtés. Seul restait près de moi, à présent, le chevalier Mirepoix de la Tour.
Ainsi donc, René le Passeur, mon féal sergent d’armes (ce ne pouvait être que lui) était tombé dans le piège que j’avais organisé en grand secret. Je n’en croyais pas mes yeux. Je ne l’aurais jamais cru capable d’une telle félonie.
Il ne pouvait avancer, encerclé à l’intérieur d’une palissade d’où pointaient les carreaux de douze arbalètes qui pouvaient transpercer une armure de plates à plus de trois cents pieds. J’avais requis, à cette fin, les meilleurs arbalétriers de la garnison. Ils ne devaient tirer que sur mon ordre formel.
René, telle une momie, coupé des autres assaillants reclus à l’intérieur du passage, ne pouvait espérer aucun secours. Il se tenait immobile, devant moi, telle une statue de bronze.
Une torchère, à ses pieds, décuplait la hauteur de sa taille. Il ne portait ni surcot d’armes ni plates sur son haubert. Sans doute avait-il craint que le frottement de quelque épaulière ou genouillère ne révélât sa présence lorsqu’il avait ouvert la solide porte de chêne qui donnait accès, par l’intérieur, à l’autre extrémité du passage, sous l’autel de la chapelle Saint-Jean.
Il avait dû profiter de l’ouverture de la herse pour s’enfoncer dans le couloir et, à la force de ses bras, qu’il avait puissants, soulever le solide madrier qui loquait la porte de chêne massif.
J’observai l’homme sans dire un mot. Un trait, un seul trait, suffirait à l’occire sur le champ. Il dégaina enfin son épée et brandit une formidable hache d’armes dans sa main senestre. Mais point d’arbalète. De la torche jaillit subitement une flamme jaune et vive au contact, sans doute, d’un résidu de soufre. Les traits, sur son visage dansèrent une gigue étonnante.
Jusqu’à ce que je lusse dans ses yeux la haine qu’il me vouait. Était-il jaloux de mon union avec Marguerite, à qui il portait une affection sans limites ? Ou lui avais-je inspiré d’autres ressentiments plus forts ? De là à commettre pareille trahison !
Je l’observai avec grande attention. Il souhaitait visiblement engager le fer avec moi dans un duel à mort. Ces yeux, ces yeux, ce regard… Mais ce regard n’était point celui de René le Passeur, à la parfin. Ce regard de haine, ce regard de loup était celui d’un autre.
Pendant ce temps-là, entre la chapelle Saint-Jean et le logis seigneurial, aucune échelle ne crochait les hourds ou les créneaux. Il est vrai que d’icelui côté, la falaise rocheuse qui surplombait la combe à près de quinze toises était quasiment inexpugnable.
Seuls quelques ennemis, parmi les plus agiles ou les plus fols, avaient tenté la grimpette. Ils gisaient à présent sur le parapet et sur cette partie du chemin de ronde.
De l’autre côté de la chapelle, le cliquetis des armes, les râles déchirants des blessés, les cris d’agonie des mourants laissaient présager grand malheur quant à l’issue des combats.
Je redoutais le pire, mais
Weitere Kostenlose Bücher