La Marque du Temple
ville de Beaucaire.
« À peu près au même moment, un autre mouvement, de rite ashkénaze, s’était développé dans les régions septentrionales, dans les juiveries des villes de Rhénanie de l’empire germanique et en la comté de Champagne. Ses principaux prédicateurs, Samuel de Spire, Judas et Éléazar de Worms parlaient et écrivaient dans la langue de leur pays d’accueil. Ils connurent un essor considérable.
« Les Juifs de rite sépharade et de rite ashkénaze, bien qu’ils ne prononçassent pas les tables de la Loi de la même manière, établirent des liens étroits entre eux. Ils grabelaient la piété et exaltaient l’amour du prochain, au point que Judas le Hassid passait aux yeux de certains chrétiens pour le François d’Assise du judaïsme.
« Le Hassidisme, à la fois ascétique et charitable, prêchait la sérénité devant la souffrance, l’insulte, l’injustice et les malheurs que connaissaient les gens depuis deux cents ans. Depuis le début des pèlerinages de la Foi… Les Juifs d’Orient passèrent à la même époque pour aider les Turcs seldjoukides en Orient à persécuter les chrétiens en Terre sainte. »
Le chevalier de Montfort approuva du chef :
« Un complot ourdi par les Turcs avec l’aide des Juifs ? Cela n’est pas à exclure. »
Conforté dans son argumentation, le baron la développa : « Leur essor inquiéta profondément le Saint-Siège qui y voyait un mouvement de plus en plus dangereux et menaçant pour notre Foi et ses fidèles. Le peuple juif n’était-il pas incapable de comprendre le sens spirituel des Écritures ? N’était-il pas déicide ?
« Dès lors, avec l’appui de la papauté, des princes, tout un processus de révolte éclata, à la fois pour se venger de ceux qui, non seulement n’avaient pas reconnu le Messie, mais encore avaient contribué à la mort du Christ. Les grands Prêtres n’avaient-ils pas refusé de reconnaître en Jésus le fils de Dieu ? Pour comble, ils aideraient à présent les persécuteurs du monde chrétien !
« Des révoltes éclatèrent en Rhénanie et des accès de violence se manifestèrent de plus en plus souvent à l’encontre des Juifs tandis que des mesures furent progressivement mises en place, que vous connaissez : isoler les communautés juives dans des quartiers réservés pour mieux les contrôler, port de la rouelle et d’un chaperon pointu, mesures ordonnées par feu notre roi Philippe le Bel pour les Juifs de Beaucaire, vers la fin du dernier siècle. Pour éviter toute erreur sur la personne lorsque les Juifs quittaient leur quartier.
« Ils furent progressivement exclus de la propriété du sol, écartés des fonctions d’autorité et de chevalerie. Réduits au commerce de l’argent et aux prêts sur gages, ils augmentèrent ainsi notre ardeur contre eux. Cette animosité, dont ils pâtirent aussi dans leur chair et dans leur âme, aurait-elle pu les pousser. au pire des crimes ? Pour tenter de nous décimer ? Œil pour œil, dent pour dent, claironnent les saintes Écritures.
« Avec la diffusion de la Kabbale, un nombre de plus en plus grand de Juifs remit à l’honneur les prescriptions lévitiques concernant le port de la barbe et des papillotes. L’abbesse Herrade von Landsberg, dans son Hortus deliciarum , son Jardin des délices, attribuait déjà aux Juifs le premier chaudron de l’enfer, vers la fin du siècle dernier. Plus tard, à mesure que sourdait la révolte contre eux, l’enfer fut représenté engloutissant les Juifs, et les bannières de leurs synagogues, brisées. »
« N’y voyez-vous pas là, messires, des raisons suffisantes pour expliquer qu’ils se révoltent contre nous ; pour justifier la main des Juifs dans le malheur qui nous frappe ce jour ? s’étonna le baron de Beynac.
— Pourquoi ne pas y voir l’œuvre du parti gibelin ou des Vaudois ? rétorquai-je. Non, messire, décidément non, poursuivis-je tout de gob. Je ne puis adhérer à votre philosophie : nous vivons certes séparés des Juifs, mais, quels que soient les reproches qui leur furent adressés à travers les siècles, ils vivent parmi nous et d’aucuns s’en accommodent parfois fort bien : ne baillent-ils pas de fortes avances à nos rois, à nos seigneurs et au Saint-Siège, à l’occasion ? Lorsque les caisses des trésors d’iceux sont vides ?
— Oui, mais ils en tirent des subsides considérables, interdits par notre Sainte-Mère
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