La Marque du Temple
nous étendîmes, Marguerite s’ococula contre moi et s’endormit très vite, sans un mot. Je me gardai de tout geste intime en présence des autres. Je la recouvris d’une peau de mouton et saisis la garde du braquemart dont j’avais détaché la gaine de mon ceinturon. Pour mieux l’avoir à portée de main. Ne sait-on jamais.
Deux ou trois heures s’écoulèrent avant que je n’affoue une torche avec la pierre à briquet et que je ne réveille mes compains de route en leur caressant les côtes du bout de mes heuses.
René ronflait allègrement. Arnaud grogna. Marguerite se retourna pour retomber dans les bras de Morphée. Je dus la secouer doucement. Elle ouvrit des yeux embués de sommeil, me sourit délicieusement, se dressa séant et me posa sur les lèvres une merveilleuse patoune. La pauvresse était épuisée, un peu chaffourée, mais n’avait point de catarrhe. Depuis mon altercation avec Arnaud, elle n’avait pas prononcé une parole.
Je n’avais plus aucune notion du temps. Jour ou nuit ? Matin ou soir ? Dans les souterrains, la cloche de notre église Saint-Jacques ne sonnait point l’heure des principaux offices. Au fond du refuge, béait un trou noir. Il nous invitait à nous y glisser pour continuer notre progression. Nous le franchîmes.
Deux torches plus loin, les difficultés commencèrent. Il n’y avait point d’autres galeries et aucun signe gravé dans la pierre. Le sol devint inégal et pierreux, mais toujours sec. La galerie se rétrécit progressivement comme un boyau de boudin et nous dûmes nous courber fortement pour avancer.
Nous parvînmes ensuite à une petite carrière souterraine de section rectangulaire où gisaient encore quelques instruments rouillés qui avaient servi à extraire et à tailler la pierre. La carrière donnait sur plusieurs petites galeries de hauteur inégale.
Un vrai labyrinthe. Je recommandai à mes compains de ne point bouger, le temps que je me livre à un examen minutieux des parois pour y déceler l’un de ces signes qui nous indiqueraient la direction à prendre et que moi seul connaissais.
Je finis par repérer, à la lueur de la torche, le premier symbole qui stipulait la seule issue possible : trois arêtes, de part et d’autre d’une arête de poisson. C’était le boyau le plus étroit.
Arnaud, toujours aussi facétieux, avait bien évidemment exploré d’autres voies au péril de sa vie et nous exhortait à le suivre.
Je le priai de bien vouloir ne point se fourvoyer dans quelque autre galerie. À moins de souhaiter choir dans un piège ou d’errer des heures et des heures à tourner en rond.
Je ne réussis à le convaincre qu’en lui montrant le signe gravé sur le mur. Il voulut des explications. J’en donnai des bribes à tout le monde, passant outre aux instructions du baron : suivre la voie dans la direction indiquée par la tête de l’arête, tout droit, jusqu’au prochain signe.
« Carpe, brochet, truite ou tanche ? » s’enquit Arnaud. René grimaça. Marguerite ne broncha pas. Elle n’appréciait pas l’humour de notre compain.
Nous poursuivîmes notre marche. J’éclairai et scrutai les parois à senestre et à dextre pour m’assurer qu’aucun autre signe ne m’échappait. Tant que le passage ne débouchait pas sur plusieurs issues, le seul danger, en principe, serait de ne pas voir un signe de danger, un piège par exemple.
Encore fallait-il avoir été initié par le baron pour savoir où se situait le danger, d’après sa position par rapport aux arêtes du poisson. Si le baron ne s’était pas trompé : aucun document écrit n’attestait de la signification exacte de cette symbolique.
J’avais ouï que les premiers chrétiens se rassemblaient et se dirigeaient ainsi dans les égouts et les catacombes creusées sous la ville de Rome pour échapper aux persécutions des empereurs.
Ils se transmettaient leur signification de bouche à oreille pour éviter que les manipules d’élite de la garde impériale ne mettent la main sur un document qui les aurait guidés en ces lieux secrets. Avant de jeter les malheureux dans les arènes pour y être dévorés par les lions. Un spectacle dont la plèbe romaine était, paraît-il, très friande.
Le souterrain se rétrécit brusquement. Aucun signe de danger cependant. Nous étions parvenus à un goulot, certainement destiné à ralentir la progression d’éventuels assaillants. Les réfugiés auraient pu
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