La Marque du Temple
les tirer comme des lapins s’ils s’étaient aventurés à leur poursuite.
Nous devions le franchir. Je déposai mon paquet à l’entrée du conduit et le ceinturai de la corde à nœuds pour le tirer derrière moi, une fois que j’aurais franchi l’obstacle. Torche brandie à bout de bras devant moi, je rampai sur le ventre comme un serpent. L’odeur âcre de la résine me piquait le nez et irritait mes yeux. Je réussis, à la force des coudes, des genoux et des pieds, non sans effort et non sans avoir égratigné mes mains, mes chausses et mes heuses, à atteindre l’extrémité du goulot.
Il surplombait à plus d’une toise de haut, une nouvelle salle refuge soutenue par un puissant et rustique pilier en petites pierres de taille. Si l’on avait cru bon de le construire en cet endroit, on devait craindre quelque affaissement de la voûte.
Je fus émerveillé en découvrant l’audace et le savoir-faire des ouvriers maçons qui, je ne savais combien de pieds sous terre, avaient acheminé des pierres de la carrière pour consolider la cavité.
Je promenai ma torche en tous sens, sur les côtés et de haut en bas. Aucune fresque, aucun signe apparent. Le sol suintait légèrement, signalant la proximité d’une source ou d’infiltrations.
Je hissai mon ballot. Il se coinça dans l’orifice. À l’aide d’une lancegaye, l’un de mes compains le poussa. On tira, on poussa et l’on réussit à l’extraire.
J’invitai de la voix à me rejoindre. Marguerite, plus mince et plus agile que nous, y parvint sans difficulté. René faillit bien rester coincé à l’intérieur. Je l’entendis maugréer et jurer comme un charretier. Arnaud suivait. C’est alors que nous constatâmes avec consternation qu’aucune sortie ne se présentait d’un côté ou de l’autre. Nous étions à proprement parler dans une impasse ! Incroyable ! J’eus beau promener ma torche dans tous les sens, je ne vis aucune issue.
Nous nous regardâmes, atterrés. À la lumière de nos torches, nos silhouettes projetaient des ombres géantes sur les murs et déformaient les traits de nos visages au point de les rendre parfois monstrueux. Je lus de l’angoisse dans les yeux d’Arnaud.
Devions-nous faire demi-tour et tenter de franchir les puits du château de Beynac ? Marguerite fit preuve de plus de sang froid que nous. Elle saisit la torche que je tenais en main et, de son bâton dont l’extrémité était aussi effilée que l’alène d’un cordonnier, elle scruta et piqua les parois avec méthode en élargissant régulièrement le champ de ses investigations.
« Nous ne sortirons pas vivants de cet enfer. Quelle idée ai-je eue pour me réjouir de vous suivre en cette expédition misérable ! s’exclama Arnaud.
— Si tu souhaites rebrousser chemin, libre à toi, mon ami. Le cachot qui t’attend au château pourrait bien se transformer en oubliette ! » rétorquai-je.
Marguerite leva la torche à hauteur de sa bouche. Elle mit un doigt sur ses lèvres pulpeuses pour nous intimer silence. Nous nous tûmes. René observait la lingère. Il semblait plus quiet que dans les fossés du château de Campréal au Mont-de-Domme, lorsque les archers nous avaient décoché une volée de flèches. Sur l’heure, il ne sentait pas le danger. Or, il était doté d’un instinct prodigieux dont j’avais été le témoin passif cette nuit-là.
Jusqu’alors, je n’avais guère compris l’utilité du curieux instrument dont Marguerite s’était munie. Ma petite lingère poursuivait une inspection méticuleuse des parois et du plafond. Elle s’arrêta brièvement à un endroit, s’en éloigna et se dirigea très vite vers le fond du refuge où quelques débris de caillasse jonchaient le sol.
« Je sens un léger courant d’air. Ici, dit-elle, en piquant la pierre de la pointe de son instrument. Le passage est ici, nous confirma-t-elle aussitôt. Un éboulement l’a obstrué. Nous devrons le dégager avant de pouvoir le franchir. »
Nous nous approchâmes tous les trois. Joignant le geste à la parole, elle piqua et repiqua la paroi. Un souffle d’air courba violemment la flamme de nos torches à l’instant où plusieurs éboulis s’écrasèrent au sol, dégageant un orifice béant.
Nous félicitâmes chaleureusement Marguerite pour la perspicacité dont elle venait de faire preuve :
« Nous t’devons la vie, m’belle ! » s’écria René en lui donnant la colée. Je la pressai sur mon
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