La Marque du Temple
château suivent mêmement, à la semblance de ma vie, les idées de chevalerie. Par Saint-Denis, nous ne sommes point au circus maximus, dans la Rome antique où rétiaires et sécuteurs se livraient de farouches combats !
« Mais parlons plutôt de nos vivres et de nos munitions. Avez-vous procédé à un récolement, messire capitaine ? »
Raoul d’Astignac opina du chef en précisant qu’il y avait passé une grande partie de la nuit. L’autre partie à subir le ciseau du berger, pensais-je en mon for intérieur.
« Bien, procédons céans à l’examen de nos défenses. Vous m’en direz la conduite en parcourant le chemin de ronde. Messires de Vieilcastel, de Puycalvet et de Siorac se joindront à nous, s’il leur plaît. Allons !
— Un instant, je vous prie, je me joindrais volontiers à vous si notre jouvenceau, messire Brachet de Born, notre nouveau capitaine de la place, y consent bien sûr », tonitrua le chevalier Guillaume de Lebestourac, propre comme un sou neuf, la barbe en broçailles, finement peignée, le bec fendu par un large sourire.
« N’êtes-vous point accompagné de vos écuyers, messire chevalier ? m’étonnai-je, en le saluant.
— Ils ont joué aux dés toute la nuit et à un curieux jeu de cartes avec deux sergents d’armes : ils y ont perdu leurs chausses et leur chemise avant de s’endormir à la belle étoile comme des cochons sur la paille et pleins comme des fûts ! Alors, voyez-vous, comme ils sont très pudiques… » s’esbouffa le chevalier en riant à gueule bec.
Décidément, ce chevalier-là me plaisait fort. Il arborait sur un surcot immaculé aussi court qu’un pourpoint, ses propres armes, et chaussait de légères bottines en cuir de veelin, retroussées à mi-mollet sur des chausses écarlates.
Pendant que nous parcourions le chemin de ronde, Raoul d’Astignac énumérait l’état de l’armurerie et le nombre de pièces disponibles : bannières de camelot aux armes des Beynac et des Commarque, baucents aux dites armes, piques, flèches, carreaux empennés ou non, chanvre, crin, viretons et passadoux, targes, arbalètes de corps à deux pieds, haussepieds, baudriers, écus, boulets, pâtons durcis, hauberts, ébauches d’arbalète, chapels de fer et heaumes, bacinets à mézail, espalières, solerets, jupeaux d’armer, masses turquoises, couteaux bastardeaux, pansières, paires de gantelet, chausses de fer, guisarmes, faulx, fauchards, houes et cognées emmanchées, gambesons, barbillons, chausses-trappes, etc.
De quoi armer et vêtir une compagnie de routiers, mais point une troupe de belle allure, tant les pièces qui composaient l’armement étaient dissemblables. Plus inquiétant était l’état de l’artillerie : la place ne disposait que de deux bricoles ou pierrières, de trois mangonneaux à roue de carrier et d’un seul trébuchet, tous en piteux état.
En plusieurs points, les murailles, mal remparées, présentaient des faiblesses qu’il fallait corriger le plus rapidement possible par la mise en place des machines de guerre aux points névralgiques.
Je proposai que l’on installât le trébuchet sur le point le plus haut, la terrasse du donjon, un mangonneau sur la terrasse de la tour-porte, un autre sur le surplomb de la barbacane et le dernier à proximité de la Tour Jehan des Escars.
Le terrain de la forteresse étant particulièrement escarpé, j’hésitai sur le meilleur emplacement pour les bricoles. Ils me suggérèrent de les installer en contrebas, à l’abri des remparts, de part et d’autre de la chapelle Saint-Jean, pour défendre la partie est des fortifications, la plus vulnérable en cas d’attaque lancée à partir de la vallée de la Beune.
Elle s’étendait à nos pieds, couverte de champs de chanvre qui ressemblaient à s’y méprendre à des champs de pavot sans que nous ne vissions âme qui vive : les champs étaient tristement désertés depuis l’arrivée du Mal noir.
Guillaume de Lebestourac et Raoul d’Astignac m’apprirent que nous disposions de madriers de chêne et de châtaigniers bien secs. Nous pouvions envisager la construction d’un couillard. J’envisageai de l’installer sur le toit de la Tour carrée, au-dessus du logis du seigneur de Commarque. Ils approuvèrent mon choix.
On me fit toutefois remarquer que je n’avais pas reçu pour mandat d’engager des débours pour des travaux de grande ampleur : les seigneurs de Commarque et de
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