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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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en magasin, de laver le sang qui le souillait.
    Diégo qui, d’après l’enseigne et le nom, s’attendait à trouver dans la boutique une de ces créatures stigmatisées à jamais par le titre de «  tricoteuses  » qu’on leur avait donné à Paris, Diégo fut surpris de l’air gracieux, accort et engageant de la belle marchande. Aussi, mis en réminiscence d’aristocratie par les façons de la citoyenne Carbagnolles, l’envoyé du Comité de Salut public porta la main à son jabot, et reprenant le laisser-aller élégant dont avait su se doter le comte de Fougueray :
    – Citoyenne, dit-il, j’ai besoin de robes, de dentelles et de bijoux.
    – J’aurai tout ce qu’il te faudra, citoyen, répondit la marchande en montrant l’émail éclatant des perles qui garnissaient sa bouche. Tu veux une robe en belle étoffe, n’est-ce pas ? J’ai tout ce qu’il y a de mieux ; tiens, regarde, examine.
    Et la marchande ouvrit une vaste armoire porte-manteau, plaquée contre la muraille, et se mit en devoir de dénombrer les richesses qu’elle renfermait.
    – Voici des robes de ci-devant duchesses, fraîches et jolies à faire pâmer d’aise la citoyenne la plus difficile : des robes pékin velouté et lacté , des caracos à la cavalière , des robes rondes à la parisienne , des chemises à la prêtresse , des ceintures à la Junon , des robes au lever de Vénus , des baigneuses ; voilà des fichus à la Marie-Ant …, à la citoyenne Capet , reprit-elle en se mordant les lèvres.
    Diégo la regarda en souriant.
    – Je ne te dénoncerai pas, dit-il. Voyons, donne-moi cette robe en satin bleu garnie de dentelles blanches. C’est cela ! Maintenant, il me faut des bas de soie, des souliers, des boucles d’oreilles, enfin tout ce qui est nécessaire à la toilette complète d’une jeune et jolie femme. Je ne paye pas en assignats, ajouta-t-il en voyant la marchande qui, avant de le servir, semblait l’examiner avec attention pour savoir ce qu’elle devait montrer ; je paye en pièces d’or à l’effigie de l’ex-tyran !
    – Je vais vous donner tout ce que vous demandez, répondit madame Carbagnolles en souriant finement et en substituant le «  vous  » aristocratique au «  toi  » sans-culotte ; car elle comprenait qu’un homme qui payait en or avait droit à cette subtile distinction.
    La marchande attira à elle un escabeau, y monta légèrement, et posa son pied sur le comptoir pour être mieux à même d’atteindre une série de cartons verts placés dans des rayons élevés tout autour du magasin. Or, si la citoyenne avait la main fine et potelée, son pied était mignon et cambré. Ce petit pied, gracieusement chaussé d’un bas bien blanc et d’un joli soulier à boucle d’acier, attira l’œil de l’acheteur.
    Tandis que Diégo caressait du regard un bas de jambe élégamment modelé que découvrait une jupe fort courte, la marchande avait tiré du rayon deux cartons, qu’elle déposa successivement sur le comptoir, puis elle sauta lestement sur le plancher. Ces cartons contenaient ce que désirait Fougueray. Celui-ci fit son choix, et, ayant fait mettre de côté tout ce qui devait parer Yvonne, depuis les souliers jusqu’aux fleurs de la coiffure, il paya et pria la marchande de faire porter ses emplettes par une personne qui l’accompagnerait.
    – Votre nom, citoyen ? fit la jolie boutiquière en ouvrant son registre de vente. Vous savez que la Commune exige que nous inscrivions celui de tous nos acheteurs, afin de s’assurer que nous ne fournissons que de bons patriotes ?
    – Eh bien ! citoyenne, écris simplement « l’envoyé du Comité de salut public de Paris », répondit Diégo en se redressant sous cette pompeuse dénomination. Mon nom n’a pas besoin d’être ajouté à ce titre.
    La marchande écrivit la patriotique qualité de l’acheteur ; puis elle appela une femme de service qui prit le carton renfermant les achats faits par le citoyen. Fougueray salua madame Carbagnolles, lui adressa un dernier compliment, et sortit suivi par la porteuse.
    La belle marchande laissa la porte se refermer, le citoyen disparaître, puis, s’élançant hors de son comptoir, elle courut à son arrière-boutique. Un homme blotti dans un coin obscur s’avança vers elle.
    – Eh bien ! dit l’homme, qu’est-ce que celui-là ?
    – Un républicain comme moi, répondit la marchande ; il a des façons de gentilhomme, il ne s’est pas formalisé de

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