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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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Habillez-vous, Yvonne, et ensuite je vous emmènerai d’ici ; je vous conduirai dans une belle maison où il y a de vives lumières, des jeunes femmes et d’aimables cavaliers. Nous souperons. Vous ne mangerez plus l’ignoble morceau de pain que le misérable vous donnait.
    Yvonne n’écoutait pas.
    Absorbée dans la contemplation des élégants objets qu’elle avait sous les yeux, et qu’elle maniait d’une main frémissante comme l’enfant auquel on apporte subitement un jouet nouveau ardemment désiré, elle ne se lassait pas de déplier la robe, la dentelle, et de toucher les bijoux étincelants.
    Parfois ses regards s’abaissaient sur les horribles haillons qui la couvraient, et ils se reportaient ensuite sur les parures. Elle semblait établir une comparaison intérieure entre sa pauvreté et ces richesses, et un combat visible avait lieu dans son âme. Évidemment elle doutait que tout cela pût être pour elle, et elle hésitait à s’en parer. Enfin la coquetterie, ce sentiment inné chez la femme et qui l’abandonne rarement, même lorsque la raison est égarée, la coquetterie l’emporta. Elle prit les bas de soie et les chaussa ; puis elle mit les souliers coquets.
    Alors elle se regarda avec une admiration naïve et profonde ; elle joignit les mains en poussant un cri de joie, et, ramenant ensuite les plis troués de sa jupe de laine, elle marcha dans la chambre, ne pouvant se lasser d’examiner ce commencement de toilette. La fièvre du plaisir donnait de l’éclat à son teint et ranimait ses lèvres pâlies. Diégo la contemplait en silence.
    – Le diable me damne si elle n’est pas plus jolie encore ! murmura-t-il ; et ce brigand de Carrier sera trop heureux !
    Yvonne s’était arrêtée près de la table. S’imaginant dans sa folie être seule, elle commença lentement à dégrafer son justin. Le corsage tomba en glissant sur ses bras, et ses épaules rondes et blanches, ravissantes encore de suaves contours, en dépit des tortures qu’elle avait subies, apparurent dans toute leur délicate beauté.
    Les yeux de Diégo étincelaient dans l’ombre : l’Italien sentait revenir dans son cœur la passion que la vue de la jolie Bretonne y avait jadis allumée.
    La jeune fille se mit alors à chanter d’une voix douce et mélancolique une vieille complainte de la Cornouaille, tout en détachant les épingles qui retenaient à peine ses cheveux, lesquels se déroulèrent autour d’elle en splendide manteau aux reflets dorés. Ses bras nus, arrondis gracieusement au-dessus de sa tête, s’efforçaient en vain de réunir le flot de ses boucles soyeuses. Elle était ainsi ravissante de coquetterie enfantine.
    Diégo, s’avançant doucement, se rapprocha d’elle. Yvonne ne l’entendit pas et ne le vit pas. L’Italien prit alors dans ses mains les mains de la jeune fille, et l’attirant à lui sans mot dire, il voulut la presser tendrement sur sa poitrine. Yvonne frissonna et se dégagea vivement.
    – Qui êtes-vous ? que voulez-vous ? s’écria-t-elle avec cet accent de terreur particulier aux personnes que l’on réveille subitement, les arrachant par un fait matériel au rêve qui les berçait.
    Diégo ne répondit pas ; mais il s’avança encore, et s’efforça de saisir la pauvre enfant demi-nue, qui essayait en vain de se débattre. Cependant, au contact de ces mains frémissantes effleurant ses épaules, Yvonne rassembla ses forces, poussa un cri, raidit ses bras et se recula vivement…
    Cet instinct de la pudeur, qui ne fait jamais défaut à la femme, lui fit chercher à couvrir ses épaules à l’aide de ses vêtements en désordre ; mais Diégo ne lui en laissa pas le temps.
    – Au diable Carrier ! s’écria-t-il avec la rage des bandits de son espèce habitués à ne reculer devant aucun crime pour satisfaire leurs passions ; au diable Carrier ! Tu es trop jolie, ma mignonne, pour que j’abandonne les droits que me donne le hasard. Je t’aime, continua-t-il d’une voix brève et saccadée, et avec une expression hideuse. Je t’aime, entends-tu !
    Et le misérable, enlaçant sa victime, imprima ses lèvres sur les épaules et sur le cou de la jolie Bretonne. La pauvre insensée poussait des cris inarticulés en s’efforçant de se soustraire à cette horrible étreinte.
    Tout à coup, avec une suprême énergie, elle s’arracha des bras de l’Italien, et, se jetant brusquement en arrière, elle passa la main sur son front brûlant en

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