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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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en s’adressant à Marcof ; eh ! citoyen, comment te nommes-tu ? Cet aristocrate de Pinard a oublié de m’annoncer ton nom !
    – On m’appelle le tueur de hyènes, répondit Marcof.
    – Le tueur de hyènes ?
    – Oui.
    – Où diable as-tu pris ce nom-là ?
    – Je ne l’ai pas pris, on me l’a donné.
    – Où cela ?
    – En Afrique !
    – Tu as donc tué des hyènes ?
    – Pardieu ! sans compter celles que je tuerai encore.
    – Est-ce que tu es marin ?
    – Mais oui.
    – Et maintenant tu restes à terre pour faire la chasse aux aristocrates ?
    – Tu l’as deviné.
    – Bravo ! à ta santé !
    – À la tienne et à celle de la citoyenne ! répondit Marcof en élevant son verre de la main gauche, tandis que de la droite il enlaçait Hermosa et l’attirait à lui comme pour l’embrasser, mouvement fort ordinaire à la table du proconsul.
    Hermosa plia sous l’étreinte du marin.
    – Un mot et tu es morte ! lui glissa Marcof à l’oreille, en effleurant de ses lèvres le cou de la courtisane, afin de motiver son action.
    – Hermosa ! hurla Carrier, si tu m’es infidèle, je te fais déporter ce soir !
    – Tiens ! tu es jaloux ? riposta Marcof ; vilain défaut, citoyen, et qui sent l’aristocrate. Liberté, égalité, c’est ma devise ! Donc, si tu es libre d’embrasser la citoyenne, je suis libre aussi de le faire, et nous sommes égaux tous deux devant son amour. Bois donc ! et vive la nation !
    – Vive la nation ! hurla l’assemblée tout entière.
    – Bravo le tueur de hyènes !
    – Vive la liberté !
    – Vive l’égalité ! cria-t-on de toutes parts.
    Marcof grandissait en popularité. Carrier lui-même, habitué à voir tout plier devant lui, trouvait amusante la franchise du marin. Néron aussi avait ses bons jours.
    – Dis donc, citoyen, reprit-il en ricanant, est-ce que c’est en Afrique que tu as pris l’habitude de souper avec un pistolet à côté de ton assiette ?
    – Justement.
    – Mais ce n’est pas d’usage ici.
    – Et la liberté donc ? D’ailleurs, demande à Pinard pourquoi je ne quitte jamais mes armes. Il te le dira, lui. Allons, Pinard, qu’est-ce que tu as ? Tu ne dis rien ! Tu ne parles pas ! Est-ce que ton séjour parmi les aristocrates t’a rendu muet ?
    Et Marcof, passant encore son bras autour du cou du misérable, appuya le doigt sur la place qu’il avait déjà touchée deux fois. Carfor se redressa comme s’il venait d’être mordu par un serpent.
    – Parle donc ! répéta Marcof.
    – Qu’ai-je à dire ? s’écria le sans-culotte avec une volubilité fiévreuse, tandis que le sang envahissait subitement son visage et tendait les veines de son cou ; qu’ai-je à dire, si ce n’est que tu es le meilleur des patriotes que j’aie jamais connus. Vive le tueur de hyènes !
    Pinard s’arrêta. Ses traits crispés exprimaient une douleur effrayante. Mais l’orgie montait rapidement à son comble ; les paroles s’entre-croisaient de tous côtés. Personne, pas même Carrier, ne fit attention à l’expression de la physionomie de Pinard. On entendit seulement qu’il vantait le patriotisme de son voisin, et comme celui de Pinard avait une grande réputation, on chanta les louanges du nouveau venu. Le lieutenant de la compagnie Marat se pencha vers Marcof, et, le regard plus suppliant que jamais, il murmura à voix basse :
    – Par pitié, je ne pourrais en endurer davantage. J’aimerais mieux mourir !
    – Tu souffres donc ?
    – Comme un damné.
    – Alors, songe à ceux que tu as fait souffrir !
    – Oh ! pensa Carfor, dussé-je être tué cette nuit par toi, tu ne sortiras pas vivant de cette maison.

XXXI – PIÉTRO
    Un tumulte étourdissant régnait dans la salle. On était à peine à la moitié du souper, et presque tous les convives étaient ivres. Carrier prodiguait ses caresses à Angélique Caron. Chacun criait, jurait, blasphémait, sans s’occuper de son voisin. Marcof alors se pencha vers Hermosa, à laquelle il n’avait encore adressé la parole que pour lui donner l’avertissement que nous connaissons.
    – Tu m’as donc reconnu ? demanda-t-il d’une voix railleuse.
    – Oui, répondit sourdement la courtisane.
    – Et cela t’étonne de me rencontrer ici ?
    – Qu’y viens-tu faire ?
    – Es-tu vraiment curieuse de le savoir ?
    – Peut-être.
    – Allons ! ne joue pas la comédie en prenant des airs de reine. Je te connais trop

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