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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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accomplie, puisque la seule qu’il se fût donnée était de tuer, de tuer toujours.
    Le placement des convives excita bien par-ci par-là quelques querelles, beaucoup de blasphèmes et pas mal de gourmades, mais ces gentillesses étaient l’assaisonnement ordinaire des soupers et avaient l’avantage d’amuser singulièrement le proconsul. Enfin, tous s’assirent et le calme se rétablit presque.
    – Servez ! dit alors Carrier d’une voix de maître, et prévenez les citoyennes que nous les attendons !
    Les valets, ou pour nous servir du style de l’époque, « les officieux », s’empressèrent d’obéir.
    – Où donc est le citoyen délégué ? demanda Grandmaison, placé sur le même rang que Marcof et presque en face de Carrier.
    – Fougueray ? répondit le représentant. Je ne sais ce qu’il fait ; il devrait être ici.
    Au nom de Fougueray, Marcof avait tressailli.
    – Fougueray ! répéta-t-il.
    – Un délégué du Comité de salut public de Paris, dit Goullin.
    – Est-ce que tu l’as vu, Pinard ? dit le marin en baissant la voix et en touchant, ainsi qu’il l’avait déjà fait dans le cabinet de Carrier, le sans-culotte entre les deux épaules.
    Pinard se courba sous la faible pression, et lança à son voisin un regard suppliant.
    – Oui, répondit-il.
    – Est-ce donc le Fougueray que Brutus devait envoyer chercher ? Est-ce le comte de Fougueray avec lequel tu étais en relation politique ? Réponds nettement, réponds vite !
    – C’est lui ! dit précipitamment Carfor ; c’est le même ! Ne me touche pas, je t’en conjure ! Je souffre trop !
    Marcof laissa échapper de ses lèvres un sifflement de joie.
    – Ah ! se dit-il, c’est décidément Dieu qui m’a conduit à Nantes !
    En ce moment la porte du fond s’ouvrit, et deux femmes rayonnantes de beauté et de parure firent leur entrée dans la salle. Tous les regards se tournèrent vers elles, et des applaudissements les accueillirent de toutes parts. Ces deux femmes étaient Angélique Caron et Hermosa.
    La situation se compliquait singulièrement pour Marcof. Le marin reconnut sur-le-champ Hermosa, et comprit que la seconde qui allait suivre devait décider de son sort et du succès de la soirée.
    Sur un double signe de Carrier, Angélique accourut prendre place à ses côtés, et l’Italienne se dirigea fièrement vers le siège resté vide à la droite de Marcof. Hermosa, occupée de répondre aux propos qu’on lui adressait sur son passage, n’avait pas pu voir encore celui qui allait être son voisin de table. Cependant elle approchait lentement. Le moment devenait horriblement critique.
    Marcof, résolu à tout, la main droite appuyée sur la crosse de son pistolet, se tourna complètement vers Pinard, avec lequel il parut engagé dans une conversation des plus intéressantes. Il entendit, sans bouger, le murmure soyeux de la jupe qui frôlait sa chaise ; il sentit Hermosa prendre place et s’installer à son côté.
    Alors, tout en paraissant jouer négligemment avec l’arme meurtrière qu’il avait saisie, il la tira de sa ceinture, appuya la main droite sur la table, et la tenant de façon à ce que le canon menaçant fût dirigé vers Hermosa, il se retourna lentement. Une résolution terrible se lisait sur son front, et ses yeux étincelèrent de menaces.
    Le geste de Marcof avait attiré tout d’abord l’attention de sa voisine, qui se pencha en avant pour essayer de distinguer les traits de l’homme à côté duquel elle se trouvait. Alors Marcof releva brusquement la tête, et ils se trouvèrent subitement tous deux face à face.
    Hermosa pâlit affreusement. Du premier coup d’œil elle reconnut le frère du marquis de Loc-Ronan, le chouan qui, deux ans auparavant, l’avait interrogée dans la forêt de Plogastel, l’homme auquel enfin elle avait voué une mortelle haine.
    La situation était tellement tendue, que le moindre incident pouvait en rompre l’équilibre, et transformer le souper en une scène sanglante. Marcof se taisait, mais ses yeux parlaient pour lui. Hermosa y lut si nettement l’arrêt de sa mort à la plus légère imprudence, qu’elle refoula au fond de sa poitrine le cri prêt à jaillir de sa gorge.
    Les autres convives, heureusement, étaient trop occupés à vider les bouteilles et à fêter les mets qui encombraient la table, pour prêter attention à ce qui se passait sur le visage d’Hermosa.
    – Eh ! citoyen, cria tout à coup Carrier

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