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La Marquis de Loc-Ronan

La Marquis de Loc-Ronan

Titel: La Marquis de Loc-Ronan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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tu pourrais y passer comme les autres. Je comprends ta susceptibilité à l’endroit de l’entassement des prisonniers. Après ?
    – Il s’agissait donc de trouver un moyen de vider les prisons aussi vite qu’elles se remplissaient, et de donner en même temps un peu d’agrément aux braves sans-culottes.
    – C’est ce moyen que tu cherchais ?…
    – Et que j’ai trouvé.
    – Voyons cela !
    – J’ai fait mettre en réquisition tous les navires depuis Nantes jusqu’à Saint-Nazaire.
    – Bon !
    – On clouera avec soin les sabords.
    – Très bien.
    – Chaque soir on embarquera quelques centaines d’aristocrates sur un de ces navires.
    – Et ils s’embarqueront avec d’autant plus de plaisir qu’ils croiront que l’on va les déporter tout simplement.
    – C’est cela. Je les déporte aussi ; tu vas voir ! fit Carrier en souriant d’un sourire monstrueux.
    – J’écoute avec la plus scrupuleuse attention.
    – Une fois les sabords cloués et les aristocrates à fond de cale, on ferme l’entrée du pont avec des planches…
    – Bien clouées également ?
    – Sans doute !
    – Continue, citoyen ; c’est plein d’intérêt, ce que tu me dis là.
    – Puis on conduit le bateau au milieu de la Loire ; les sans-culottes se retirent dans des barques, les charpentiers donnent un coup de hache dans les flancs du navire, et la Loire fait le reste.
    – Très bien !
    – J’appellerai cela «  les déportations verticales , » ajouta Carrier en riant.
    – Des baignades révolutionnaires, fit Diégo.
    – Et la Loire sera « la baignoire nationale ! »
    – Bien dit, citoyen ! Touche là ; tu me vas !
    – Et toi aussi, citoyen ! J’écrirai à Robespierre pour le remercier de t’avoir envoyé ici !
    – Et quand commencerons-nous ?
    – Ce soir.
    – Qui est-ce qui prendra le premier bain ?
    – Quatre-vingt-dix-huit calotins royalistes que je conservais à cet effet. Tu comprends, ceux-là iront ouvrir la porte du paradis pour les autres et les annonceront au sans-culotte Pierre.
    – À quelle heure la fête ?
    – À sept heures ; et après cela souper chez moi. Tu en seras ?
    – Naturellement.
    – Tous les bons patriotes se réjouiront ensemble, et si cet aristocrate de Gonchon réclame des jugements, on le fera baigner avec les autres !
    En ce moment on frappa doucement à la porte du cabinet.
    – Entrez ! cria Carrier.
    La porte s’entr’ouvrit, et la tête de Scévola parut dans l’entre-bâillement.
    – Citoyen… fit-il en s’adressant à Carrier.
    – Quoi ?
    – Il y a là Pinard, Chaux et Brutus qui demandent à te voir pour faire une motion.
    – Qu’ils entrent ! ce sont des bons !
    Les sans-culottes de la compagnie Marat furent introduits par Scévola. Carrier, mis en belle humeur par l’idée des noyades qu’il allait commencer à mettre à exécution, les accueillit avec familiarité. Pinard et Diégo se touchèrent la main.
    – Vous vous connaissez donc ? fit le proconsul en remarquant ce double mouvement.
    – Oui, répondit Pinard ; le citoyen et moi avons fait la chasse aux aristocrates en septembre à Paris.
    – Et nous l’avions commencée autrefois en Bretagne, ajouta Diégo ; n’est-ce pas, Carfor ?
    – Je ne m’appelle plus comme cela.
    – Tiens, tu as changé de nom ?
    – Oui.
    – Pourquoi !
    – Parce que, quand je m’appelais Ian Carfor, je subissais la tyrannie des aristocrates. Les gueux avaient prononcé ce nom, il était souillé, et j’en ai changé.
    – Tu aurais pu le garder ; car, s’il était souillé, tu l’as diablement lavé ! s’écria Carrier en faisant allusion aux massacres des prisons auxquels le sans-culotte avait pris jadis si grande part.
    Tous rirent gaiement du spirituel mot du proconsul.
    – Et comment t’appelles-tu, maintenant ? demanda Diégo.
    – Je me nomme Pinard.
    – Comment ! c’est toi le fameux sans-culotte dont on parle à la Convention ?
    – Moi-même.
    – Je t’en fais mes compliments.
    – Et que me voulais-tu ? ajouta Carrier.
    – Te faire une motion.
    – Laquelle ?
    – C’est rapport à ces brigands qui encombrent l’entrepôt.
    – Tu as donc une idée aussi ?
    – Et une bonne.
    – Dis-nous cela.
    Pinard, alors, raconta son atroce projet de faire mitrailler les prisonniers en masse. En l’entendant parler, l’œil de Carrier flamboyait. Quand Pinard eut achevé, le proconsul lui tendit

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