La Marquise de Pompadour
d’angoisse.
Qu’elle fût menacée elle-même, elle ne s’en inquiétait que juste assez pour se mettre en état de défense.
Elle était naturellement brave.
Son caractère entreprenant et romanesque ne répugnait pas aux aventures, même dangereuses.
Mais le roi ! le Bien-Aimé !…
Elle frémit de terreur à la pensée qu’il était menacé et que peut-être elle ne pouvait rien pour le sauver.
– Explique-toi ! dit-elle d’une voix altérée. Ou plutôt, réponds clairement à toutes les questions que je vais te poser. Et ne mens pas, surtout ! Sinon, dussé-je te tuer de mes mains…
– Madame, je ne mentirai pas, je le jure ! s’écria Juliette. D’ailleurs, pourquoi mentirais-je ?… Si j’avais voulu vous perdre, je n’avais qu’à jouer mon rôle jusqu’au bout et laisser faire !…
– C’est juste ! dit Jeanne.
Juliette eut un sourire de joie qu’elle dissimula en baissant la tête.
– Tu seras dignement récompensée, reprit Jeanne. Mais voyons. Tout d’abord, qui sont les gens dont tu parles ?
– Je ne les connais pas. Ce sont des gentilshommes. Voilà tout ce que je puis dire.
– Des félons !… Pourquoi est-ce toi et non Suzon qu’ils ont chargée de me perdre ?
– Parce que Suzon a eu peur. Elle a accepté de s’en aller, de laisser la place libre, mais elle n’a pu se décider au rôle qu’il fallait jouer, parce qu’elle a eu peur, je vous le répète…
– Peur de quoi ?
– Que le coup ne réussisse pas. Et alors, non seulement votre colère, mais encore la vengeance du roi étaient à redouter. Bref, moyennant une grosse somme d’argent, elle a simplement consenti à s’en aller, sous prétexte d’un congé qu’elle vous demanderait, et à laisser agir une autre plus hardie qu’elle…
– Et cette autre, c’est toi ?
– Oui, madame ! fit Juliette pourpre de confusion.
– Eh bien, que devais-tu faire ?…
– Je devais pousser madame à se coucher de bonne heure, afin que vers dix heures, elle fût endormie…
– Et alors ?…
– A dix heures, les gens en question doivent venir frapper à la porte… et je dois leur ouvrir.
– Ensuite ?…
– Je ne sais plus rien de précis, madame. Seulement j’ai cru comprendre à force d’écouter…
– Voyons… qu’as-tu compris ?… Hâte-toi !… Car voici dix heures qui approchent !…
– Eh bien ! voici : on devait s’emparer de madame.
On devait, par menaces et au besoin par violences, la forcer d’écrire à Sa Majesté… Jeanne frissonna.
– Alors, le roi, sur la lettre de madame, serait accouru ici… et… je ne sais plus !…
– Oh ! mais je devine, moi ! murmura Jeanne atterrée. C’est un guet-apens contre Louis !… Oh !… comment le prévenir !…
A ce moment, on frappa à la porte extérieure de la maison, assez discrètement, en somme.
– Les voici ! fit Jeanne. Vite, préviens qu’on n’ouvre pas !
– C’est fait, madame ! Décidée à vous sauver, j’ai pris mes précautions en conséquence. J’ai fermé à l’intérieur à double tour… et voici la clef !…
En même temps, Juliette jeta sur la table la clef qu’elle venait de tirer de sa poche.
– Que faire ? murmura Jeanne ; que faire ?…
– Fuir, madame ! Fuir sans perdre un instant… Entendez-vous ?… On frappe plus fort… Ils s’étonnent que je n’ouvre pas !… Mon Dieu !… Peut-être vont-ils essayer de passer par le jardin… Fuyez, madame, fuyez… Dans un instant, il sera trop tard !…
– Eh bien, oui, fuir !… et prévenir le roi !…
– Venez ! venez !…
Juliette, comme dans un moment d’égarement, saisit Jeanne par le bras, au moment où on frappait encore au dehors, et l’entraîna dans le jardin.
Devant la petite porte, elle s’arrêta toute tremblante…
– Attendez, madame… je vais m’assurer que vous n’avez rien à craindre de ce côté-ci.
– Tu seras royalement récompensée, dit Jeanne.
Juliette avait entr’ouvert la petite porte et jeté un rapide regard sous les quinconces.
– Personne, murmura-t-elle. Fuyez, madame…
Jeanne franchit la porte.
– Et toi ? fit-elle alors tout à coup. Viens avec moi !…
– Fuyez ! fuyez donc ! dit Juliette pour toute réponse.
Et aussitôt, rentrant dans le jardin, elle repoussa la petite porte, la ferma à double tour et mit les verrous…
Alors, haletante d’une émotion qui cette fois n’était pas simulée, elle
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