La Marquise de Pompadour
déshabiller, Julie…
Juliette suivit Jeanne dans la chambre à coucher.
– Madame, fit-elle tout à coup d’une voix tremblante, vous voulez donc déjà vous mettre au lit ?
– Mais oui, ma fille, fit Jeanne étonnée de la question et surtout du ton de terreur avec lequel elle était faite.
– Madame, reprit Juliette… si j’osais…
– Quoi donc ?… Mais sais-tu que tu me fais peur ! Parle, voyons… Que veux-tu oser ?…
– Vous donner un conseil, madame !…
– Eh bien, donne-le, ton conseil ! Que de précautions ! Quelle fille extraordinaire !…
– Madame, si vous m’en croyez, vous ne vous coucherez pas, fit Juliette comme si elle venait de prendre une résolution soudaine.
– Deviens-tu folle ? fit Jeanne qui sentait son inquiétude grandir de minute en minute. Pourquoi ne me coucherais-je pas, si j’ai sommeil ?
– Et même, continua Juliette sans répondre, si j’étais à la place de madame, non seulement je ne me coucherais pas… mais encore… je m’habillerais comme pour sortir !…
Jeanne sentit son inquiétude se transformer en terreur.
Elle fixa un profond regard sur Juliette qui baissa la tête.
– Voyons, dit-elle, tu me caches quelque chose…
– Madame…
– Je ne sais quelles idées me pénètrent… mais il me semble que tu es ici… tiens… pour me trahir !… Ton trouble, tes étranges conseils…
Juliette poussa un cri, cacha son visage dans ses deux mains et tomba à genoux.
– Ah ! s’écria Jeanne au comble de l’épouvante, je ne me trompais donc pas !…
– Madame, sanglota Juliette, vous voyez bien que je ne vous trahis pas !… puisque je cherche à vous sauver !…
– Me sauver !… Suis-je donc menacée ?…
– Madame, fit Juliette en se relevant et en jetant un regard désespéré sur la pendule, par grâce, par pitié, laissez-moi vous habiller… Vous m’interrogerez après… je vous dirai tout !…
Jeanne, stupéfaite et terrifiée, vit alors Juliette se précipiter vers le cabinet de toilette et en revenir avec un costume de ville et un manteau.
Fébrilement, avec des maladresses de hâte mais non de science, la femme de chambre se mit à habiller Jeanne qui se laissa faire en silence.
– Neuf heures ! dit alors Juliette. Heureusement, nous avons encore une heure devant nous…
Jeanne, à ce moment, était complètement habillée, prête à sortir.
– Parle, maintenant, dit-elle avec une angoisse qu’elle ne parvint pas à dompter complètement.
– Pas ici, madame, pas ici !… En bas, je vous en supplie…
– Mais pourquoi…
– Pour que vous soyez sûre de pouvoir vous sauver !… Venez, venez, madame !… De grâce, ayez confiance en moi, puisque pour vous, je trahis ceux qui m’ont envoyée…
Jeanne, croyant rêver, se laissa entraîner par Juliette qui pénétra dans le petit salon du rez-de-chaussée.
Tremblante et sûre désormais que quelque guet-apens avait été organisé contre elle, Jeanne se laissa tomber dans un fauteuil.
Juliette, malgré le froid du dehors, ouvrit la porte-fenêtre.
– Que madame m’attende un instant, dit-elle en s’élançant dans le jardin.
Quelques minutes plus tard, elle reparut en disant :
– Maintenant, je respire !… J’ai été tirer les verrous de la petite porte ; j’ai mis la clef dans la serrure, et madame pourra fuir quand il lui plaira… dès maintenant, si elle veut…
– Je ne m’en irai pas sans savoir de quoi il s’agit, dit Jeanne avec une fermeté qui fit frissonner Juliette.
Celle-ci jeta un coup d’œil furtif à la pendule.
Son rôle, à ce moment, devenait excessivement difficile et périlleux :
Il s’agissait de décider Jeanne à fuir, mais il fallait en même temps que la fuite n’eût pas lieu avant dix heures…
Il fallait gagner du temps, et pourtant il ne fallait pas dépasser l’heure.
Juliette, en un instant, eut calculé son affaire et établi ses batteries…
– Madame, fit-elle tout à coup, je vous ai trompée : je ne suis pas la sœur de Suzon…
– Mais Suzon elle-même a dit…
– Suzon a menti comme moi, elle est complice comme moi, elle a été payée comme moi !… Ah ! les gens qui vous en veulent ont bien tout calculé, allez !…
– Qui sont ces gens qui m’en veulent ? demanda Jeanne en s’efforçant de garder tout son calme.
– Des ennemis du roi ! répondit Juliette.
Cette fois Jeanne ne put retenir un cri
Weitere Kostenlose Bücher