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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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ce groupe – il faut dire que ce sont pour la plupart de vrais fanatiques. Ils étaient même si enthousiastes qu’ils ont admis Varencourt dans leur comité directeur. Les Épées du Roi poursuivent plusieurs plans et, en toute logique, Charles de Varencourt a été en charge de celui-ci. C’est lui qui a joué le rôle du traître qui vend ses camarades. Il a ainsi pu côtoyer l’enquêteur désigné par Joseph, dont il projette d’usurper l’identité. C’est aussi lui qui a assassiné le colonel Berle. Le feu l’a trahi. Il a tué, ce qui était convenu avec les autres membres du groupe. Mais il n’a pas pu s’empêcher de mutiler ce cadavre par le feu. Voilà qui prouve qu’il était seul quand il a commis ce crime. S’il avait été accompagné d’un complice, ce dernier ne l’aurait pas laissé commettre un tel acte et aurait signalé son comportement au vicomte de Leaume. Le groupe sait que Charles de Varencourt a tué Berle et qu’il a laissé leur symbole, comme prévu. En revanche, les Épées du roi ignorent certainement l’existence de ces mutilations.
    — Voilà donc pourquoi il a tué le comte Kevlokine ! s’exclama Palenier. Comment se venger de l’incendie de Moscou sinon en frappant les Russes ? Ce sont eux les responsables de ce drame !
    Ce qu’il y avait de formidable avec Palenier, c’était qu’il pouvait soutenir un mensonge avec une conviction presque convaincante. Les Russes considéraient les Français comme les uniques responsables de la destruction de Moscou et vice versa. En réalité, les torts étaient partagés. Bien évidemment, si les Français n’avaient pas attaqué la Russie, l’ancienne capitale n’aurait pas été détruite. Mais Napoléon n’avait jamais donné l’ordre de brûler cette ville, parce qu’il voulait faire la paix avec le Tsar et parce qu’il avait besoin de cette cité intacte pour que la Grande Armée y reconstitue ses forces. Margont était présent dans Moscou lors du grand incendie. Comme les autres soldats, il avait vu des incendiaires à l’oeuvre : des policiers russes en civil, des prisonniers de droit commun et des aliénés libérés spécialement dans ce but. Et les pompes à incendie ? Toutes emportées sur l’ordre de Rostopchine, le gouverneur général de Moscou. Et les péniches des pompiers ? Sabotées et brûlées. Rostopchine semblait avoir agi de sa propre initiative, et non sur l’ordre du Tsar, car Alexandre I er adorait cette ville et, par la suite, ne cessa de se lamenter de sa destruction. Rostopchine avait décidé de poursuivre la tactique de la terre brûlée, qui avait si bien réussi aux Russes jusqu’alors, mais en la poussant à son paroxysme. L’incendie de Moscou avait soulevé un tel tollé que Rostopchine niait aujourd’hui l’évidence. Il jurait maintenant que les Français et quelques voleurs et criminels russes étaient les seuls responsables, que des soldats de la Grande Armée se livrant au pillage avaient allumé des foyers dans l’euphorie stupide de l’ivresse, ou par mégarde, en renversant des bougies... De tels actes avaient eu lieu, mais il passait sous silence les centaines d’incendiaires russes et la disparition des pompes à eau. Or, lui seul avait l’autorité nécessaire pour donner de tels ordres et pour obtenir leur application sans faille. Ah, ça, pour sûr, Margont en savait long sur le sujet ! Il avait failli brûler vif dans Moscou, et avec lui Lefine, Saber, Piquebois et Jean-Quenin ! Alors Dieu sait s’il s’était renseigné par la suite.
    Il existait une sorte de « procès de l’incendie de Moscou » qui animait les discussions dans les salons de l’Europe entière. D’un côté, les pro-français stigmatisaient les Russes, de l’autre, les pro-russes hurlaient tout aussi fort en accablant les Français. Tout le monde y allait de son analyse, de son opinion... Par une ironie du sort, d’une certaine manière, Margont se retrouvait sur le même banc que Charles de Varencourt, celui des victimes rescapées... Oh, bien sûr, il n’avait pas perdu autant que celui qu’il traquait ! Mais il comprenait son désarroi. Russes, Français, alliés des Français (devenus aujourd’hui pour la plupart les alliés des Russes...) : tous coupables !
    — Pour se venger de l’incendie de Moscou, il faut frapper les Français et les Russes ! corrigea Margont tout en foudroyant Palenier du regard. Varencourt a fait cause commune avec des royalistes.

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