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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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renforcés en faisant converger des troupes de toutes les provinces de leur pays grand comme un continent ! Varencourt a accompagné l’armée, car telle était désormais son obligation. Il a sûrement assisté à la bataille de la Moskova, puisque Moscou avait envoyé un nombre important de miliciens pour gonfler les rangs de l’armée russe juste avant cet affrontement clé.
    Margont marqua de nouveau une pause. Ainsi donc, son chemin avait déjà croisé celui de Charles de Varencourt. Ce 7 septembre 1812, au plus fort de la bataille, ils n’avaient peut-être été séparés que par quelques centaines de pas, des pas jonchés de cadavres...
    — Nous avons gagné et l’armée russe a reçu l’ordre de battre en retraite. Plus tard, des prisonniers nous apprendraient qu’en entendant cet ordre, les soldats russes avaient failli se révolter contre le haut commandement ! Ils voulaient poursuivre le combat ; ils refusaient d’abandonner Moscou. Varencourt criait sûrement avec eux. Mais le repli leur a été imposé. L’armée russe est repassée par Moscou ; elle a traversé l’ancienne capitale. Quand la population a vu cela, elle a compris que l’on abandonnait la ville à son sort. Rostopchine donna l’ordre d’évacuer la cité et tous ceux qui ne l’avaient pas encore fait s’empressèrent de fuir. Les consignes données aux militaires étaient très strictes : qui quitterait les rangs encourrait la peine de mort. Car une trêve de quelques heures avait été conclue à la condition que l’armée russe traverse Moscou « sans s’arrêter un instant », pour reprendre les termes exacts de l’Empereur. En outre, Koutousov, le commandant en chef de l’armée russe, voulait éviter qu’une partie de ses soldats ne se volatilise dans la ville dans l’espoir de retrouver des proches. Dont Charles de Varencourt, peut-être... Celui-ci a donc suivi l’armée. Seulement, à ce moment-là, il ignorait deux choses. Que Moscou allait brûler... Et que son épouse ne pourrait pas quitter la ville, parce qu’elle était enceinte...
    — Comment savez-vous cela ? intervint Lefine.
    — Quand j’ai parlé à cette « faiseuse d’anges », elle m’a répété des paroles que lui avait confiées Catherine de Saltonges. Celle-ci lui a dit, juste avant de se faire avorter : « Décidément, le sort s’acharne à tuer ses enfants juste avant leur naissance... » L’épouse de Charles de Varencourt devait être proche du terme, il lui était impossible de marcher ou d’être transportée pendant des jours dans une charrette. Probablement Varencourt méconnaissait-il l’état de sa femme, ou alors, il a voulu déserter, mais n’y est pas parvenu et a échappé au peloton d’exécution en raison du besoin de médecins...
    Palenier comprenait qu’il lui manquait des informations, mais il voulait interrompre Margont le moins possible. Pour une fois qu’il rencontrait un enquêteur qui ne gardait pas ses découvertes pour lui ! Que ce bavard continuât donc encore un peu et c’était une promotion pour tous les deux ! Quand quelqu’un monte, agrippe-toi à lui fermement ; quand il commence à chuter, lâche-le le plus vite possible ! Telle était la philosophie de Palenier.
    Margont reprit ses explications. Les drames de la vie de Charles de Varencourt semblaient jeter leur ombre sur son propre visage.
    — Moscou a brûlé, et sa femme et son enfant à naître sont morts dans cet incendie. Voilà qui est l’épouse décédée avec laquelle Varencourt ne parvient pas à rompre, pour reprendre les propos que Catherine de Saltonges. Il est également possible que d’autres membres de sa belle-famille soient restés aux côtés de cette femme – ses parents, par exemple – et qu’ils aient péri avec elle... Nous comprenons mieux Varencourt, maintenant. Voilà pourquoi un feu brûle sans cesse en lui. Moscou est son brasier originel  ! Pour la seconde fois, son univers a été anéanti, pulvérisé, littéralement réduit en cendres. Seulement, cette fois, il n’a pas tenté de se construire une troisième vie. Il a décidé de se venger. Il est revenu en France, s’est fait admettre chez les Épées du Roi. Et là, il a proposé un projet démesuré, follement ambitieux : assassiner Napoléon. Rien que ça... On a dû rire, le prendre pour un dément... Mais il a développé son idée. Précise, méthodique. Fernand, tu connais la suite... Ce plan a convaincu les meneurs de

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