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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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vous réponds. Le mieux informé c’est bibi, que ça vous chante ou non. Votre Magnus, un drôle d’aztèque qui rechignait toujours à débourser l’argent du terme, il s’est sauvé dans la nature, évaporé, depuis le mois de février ! Et sans casquer, le cochon ! Au bout de quelques jours, je me suis bilé de ne pas l’aviser. Je me suis dit qu’il s’était esbigné à cause de son travail et qu’il allait rappliquer. Des nèfles ! J’ai alerté le proprio. On a encore poireauté, et puis on a fini par utiliser mon passe, des fois qu’la camarde nous aurait débarrassés de lui, le filou. n’en fiche : personne. Le proprio a prévenu les flics, aucune trace. Ses affaires étaient là, les papiers, le mobilier, les cornues avec lesquelles il aurait pu nous incendier dix fois, les vêtements. Comme le proprio excluait de se ruiner avec un garde-meuble, il m’a chargé de tout bazarder, j’ai convoqué un brocanteur, et un autre locataire s’est installé, une canaille, ce Pierre André, pire que Magnus, pensez, un poète ! Ah, elle est belle, la France, avec ces rimailleurs qui se croient futés !
    — Moi, je l’appréciais beaucoup, M. Benoît, marmotta la vieille. Remarquez, M. André est très sociable.
    — M’étonne pas, qui se ressemble s’assemble. Vous êtes content, je vous ai déballé l’histoire, non ? Celle-là ne s’était pas aperçue du changement, ma main à couper !
    — Celle-là a un nom, et, si vous lui en aviez laissé le loisir, elle m’aurait narré les faits aussi bien que vous.
    — Ah, elle est jolie, la reconnaissance ! Et puis qui vous êtes, vous, d’abord ? Un proche de Magnus ? Si c’est le cas, j’vous fournis le montant de son terme, vous vous ferez une joie de l’régler !
    Victor commençait à perdre son flegme. Il tira de sa poche l’accréditation d’Isidore Gouvier et la secoua au visage du concierge.
    — Je suis journaliste. Je vais vous affliger d’une réclame désastreuse.
    Jules Friquet se réfugia dans sa loge comme s’il venait d’être mordu par un chien enragé. La vieille se mit à rire.
    — C’est-y vrai que vous rédigez des articles ? Je vais vous confier une nouvelle qu’il ne vous a pas révélée, le pipelet. Il a tout vu, comme moi, j’arrivais de chez le boulanger.
    — Qu’avez-vous vu, lui et vous ?
    — Ce bon M. Magnus est grimpé dans un fiacre, et fouette cocher, il a décampé. Après ça, il ne s’est plus pointé dans le quartier. Et dans ce fiacre, j’ai l’impression qu’il y avait une galante. Brave M. Benoît, il a fini par conquérir un cœur, j’en suis aise pour lui. Au plaisir, monsieur.
    Les bourrasques plissaient la surface de la Seine souillée de branchages et de papiers gras. Redoutant que son chapeau ne s’envolât, Victor décida de passer nu-tête le pont de Bercy. Était-il vraisemblable que Benoît Magnus ait abandonné ses possessions lors d’une escapade voluptueuse ? Il envisagea le problème sous un angle différent : si Tasha lui avait ordonné qu’il désertât son logement, eût-il consenti à ne rien emporter ?
    « C’est improbable. Je me serais lesté de certains souvenirs. Mais nul indice n’établit que ce Magnus n’ait pas empli une ou deux valises subrepticement descendues quelques jours avant sa fugue. Février ! Six mois sans donner signe de vie ! »
    Deux heures plus tard, exténué après une longue marche et trempé par une averse de grêle, il fit part de ses réflexions à Joseph, seul maître à bord de la librairie.
    — Évanoui ! C’est contagieux. Où sont-ils tous allés ? Sur la face cachée de la Lune ? s’écria celui-ci.
    — Le carnet était constitué de fiches de paie. Benoît Magnus en aurait-il rédigé le contenu ? La formule d’un parfum, l’adresse de Romant… les fils conducteurs convergent vers cette certitude. Il a égaré le livre miniature dans la maison de la rue Corvisart, plus précisément au fond du bassin, où la carpe s’en est délectée.
    — Que faisait-il là-bas ? C’est un nez, ce bonhomme, et les odeurs qui se dégagent de la baraque sont rien moins que chouettes !
    Épuisé, Victor se massait les tempes en tâchant de se concentrer. Il avait besoin de repos et de sérénité. Joseph, lui, tentait de structurer ses pensées en musique. Il chantonnait machinalement un air qui l’obnubilait.
    — Mes déductions s’embrouillent, êtes-vous incapable de rester silencieux ?

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