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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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de flirter avec les homicides de tout poil !
    Un sanglot l’empêcha de poursuivre. Elle pirouetta et manqua renverser la chatte. Déjà, Victor l’étreignait.
    — Cessons de nous chamailler, j’ai confiance en toi, s’il te plaît, rends-moi la pareille, nous nous sommes mal exprimés ou compris de travers hier soir.
    Elle renifla, leva le menton vers lui.
    — Tu ne vas rien entreprendre de dangereux ?
    — Quel danger y a-t-il à classer le contenu d’un magasin de curiosités datant de la préhistoire ? Car, sans que j’en détecte la cause, Mme Piote m’a transmis ses possessions.
    — Peut-être était-elle éprise de toi ?
    — N’inversons pas les rôles, ma chérie. Je vais téléphoner à Joseph de me rejoindre cour de Rohan, je déjeunerai dehors.
    Elle l’écouta parlementer avec Jojo, otage de la librairie tant que Kenji, en salle de ventes, n’aurait pas rallié le bercail, après quoi il lui faudrait effectuer quelques livraisons. Son intuition lui soufflait que Victor était sous l’emprise d’un nouveau mystère, et que cet inspecteur cauteleux ne l’avait blanchi qu’en apparence. Ses craintes reléguèrent dans l’ombre la silhouette de Hans.
     
    Lucy Grémille s’étira, démoralisée de s’éveiller seule une fois de plus dans le lit à deux places récemment acheté. Sa liaison avec Alphonse Ballu l’avait incitée à cette dépense responsable d’une large brèche dans ses économies et d’une notable perte d’espace. La chambre carrée louée rue des Entrepreneurs s’en trouvait réduite de moitié, l’autre étant investie par une armoire de noyer aux portes envahies de faciès diaboliques, illusion créée par les veines du bois. Une cage où cohabitaient deux canaris et une minuscule table ronde supportant une cuvette et un broc parvenaient tout juste à s’insérer entre l’armoire et la fenêtre.
    Si étriqué fût-il, ce nid était le sien, elle avait travaillé dur pour se l’offrir quand, en 1894, elle était arrivée de Bordeaux sans un sou. Elle aimait son métier, et Modeste Champlan était un patron facile à vivre. Jamais il ne s’était permis de la courtiser, il ne la critiquait pas et, outre les pourboires qu’elle empochait, la rémunérait correctement. Mais envisager un avenir solitaire n’avait aucun attrait. Lassée des rencontres de fortune que lui valait son minois, Lucy Grémille aspirait maintenant à une situation moins instable. Un amant au long cours l’emportant vers les flots de la vie maritale et la pourvoyant d’une sécurité qui mettrait fin à ses activités dans le salon de coiffure. Des enfants, deux. Et, surtout, un appartement de plusieurs pièces où le soleil ne se contenterait plus de s’introduire comme un voleur de dix à onze heures, mais luirait du matin au soir.
    Elle croyait avoir déniché la perle qui lui assurerait une vie confortable en la personne d’Alphonse Ballu. Et voilà qu’il l’oubliait ! Était-il frappé d’amnésie ? Une rivale lui avait-elle mis le grappin dessus ? En avoir le cœur net et l’acculer à une explication devenaient indispensable. Elle recourut à un moyen réservé aux urgences, et, après avoir écrit à l’attention de Modeste Champlan un mot dans lequel elle affirmait souffrir d’une indisposition récurrente qui ne l’affecterait que quelques heures, elle se repoudra et descendit au rez-de-chaussée. La fille unique des portiers, Jaqueline, une gamine de santé précaire, occupait son temps à dévorer des feuilletons et à parader ensuite à travers la cour en prétendant, du haut de ses douze ans, être une belle et pauvre modiste adulée par un prince déguisé en mendiant. Ces rêveries étaient encouragées par ses parents, qui se tuaient à la tâche et la préservaient de toute corvée. Lucy interpella la gamine avide de connaître le dénouement du Bossu .
    — Jaqueline, dix sous pour porter ce message au salon de coiffure.
    — C’est que je n’ai pas une minute, il faut que je termine mon Paul Féval pour le raconter à maman.
    — Tu as la flemme, oui ! Vingt sous, et c’est cher ! Tu te payeras un ruban et tu te l’enrouleras autour de la bobèche, crâneuse !
    À contrecœur, Jaqueline prit l’enveloppe et, traînant la semelle, s’exécuta. Lucy Grémille attendit qu’elle eût franchi le porche avant de se diriger vers la place Beaugrenelle.
     
    — Courrier spécial livré par un télégraphiste, avait proclamé Adhémar

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