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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Findorge la veille au soir en déposant la missive sur une desserte de la pension de famille. Résultat : une nuit d’insomnie. Comment l’auteur, homme ou femme, de ce courrier était-il au fait d’un passé soigneusement gommé ? Pourquoi cette menace ?
    « Si tu tiens à ta tranquillité, bouche cousue quant au départ d’Alphonse Ballu samedi dernier. Un mot suffirait à ruiner ta nouvelle vie en m’obligeant à révéler que la respectable propriétaire de cette pension de famille est une ancienne marcheuse. »
    Bien qu’enfouie sous une pile de linge au fond d’une commode, cette lettre anonyme continuait d’épouvanter Armande Simonet. Une singulière aboulie l’empêchait de la détruire. Qui cherchait à l’intimider ? Un de ses locataires ? Un voisin ? Alexandrine Piote ? À moins que ce ne fût Alphonse, effrayé à l’idée qu’elle divulguât son inconduite ? Elle écarta cette éventualité parce qu’elle interdirait toute possibilité de retour au fringant capitaine dont les effets étaient ancrés rue Violet.
    — Quelque chose vous turlupine, ma chère amie ? s’enquit Adhémar Findorge.
    Son petit déjeuner expédié, il avait filé à la cuisine où Armande Simonet donnait à Catherine ses consignes relatives aux repas. En dépit de la fascination qu’exerçaient sur lui les tendrons, le professeur à la retraite comblait de prévenances celle qui, de logeuse, s’était récemment convertie en une chère amie. Il approchait d’un âge où l’arthrose, alliée aux crampes budgétaires, rend les mouvements périlleux. Épouser un bon parti, tel était l’objectif qu’il s’était fixé avant d’être rivé à un fauteuil roulant.
    — Ce qui me turlupine, c’est le prix des denrées alimentaires ! Demain, jour maigre, nous mangerons du poisson à midi et au dîner.
    — Du moment que vous me l’épargnez au saut du lit.
    — Nous ne sommes pas en Angleterre !
    On sonna. Catherine annonça une jeune femme nommée Lucy Grémille.
    — La jolie coiffeuse, murmura Adhémar Findorge, émoustillé.
    — Je la recevrai dans mon salon, rétorqua Armande Simonet avec aigreur.
    Elle avait déjà guigné à travers les vitres la pimbêche au bras de son soupirant. Elle détestait les frisettes et l’allure mutine de cette créature faussement angélique.
    En avait-elle fréquenté, au cours d’une vie antérieure, des minaudières du même acabit ! Dès qu’elles avaient accaparé un dadais enjôlé par leurs simagrées, les goules lui suçaient le sang. Elle avait assez pratiqué l’art de ces chasseresses pour être instruite de leur duplicité.
    Lucy Grémille arpentait la pièce en évitant de s’empêtrer dans les franges d’un tapis râpé.
    « On dirait une souris épileptique », songea son hôtesse, qui formula un bonjour contraint.
    — Madame, il faut que je clarifie une énigme. M. Alphonse Ballu est-il malade ou en service commandé ? Voilà plus de six jours qu’il ne s’est manifesté à moi !
    — Et à quel titre vous honorerait-il de son commerce ?
    — À titre purement amical, cela va de soi, jeta Lucy Grémille d’un ton badin.
    — La réalité est que cet individu a émigré de ma pension samedi vers une destination inconnue sans aucun commentaire et, privée de nouvelles, j’en ai déduit qu’il avait déménagé à la cloche de bois.
    — Mais c’est impossible ! Un militaire !
    — Pourquoi donc ? grommela Armande Simonet, soufflant sur la poussière d’un bouquet de fleurs séchées aux couleurs éteintes. Les militaires sont des hommes !
    — Il m’aurait prévenue ! A-t-il des proches ?
    — Je ne suis pas sa confidente, je n’en sais rien.
    — J’ai pourtant l’impression qu’il m’a cité une parente.
    — Vous avez sans conteste mal interprété ses propos. Il est orphelin.
    Lucy Grémille pressentit qu’elle n’obtiendrait pas d’informations d’une interlocutrice hostile au point de nier la vérité. Car Alphonse, elle en était certaine à présent, rencontrait chaque samedi une cousine fautive de dérober de précieux instants à leur idylle. Dommage qu’elle ne lui eût pas soutiré son adresse ! Le seul endroit où elle avait une chance de le joindre était le ministère de la Guerre. Toutefois, elle hésitait à y aller, de peur qu’Alphonse n’eût fourni une excuse à son absence. Ou, pire, qu’il ne fût mécontent de son irruption. Elle regagna la rue d’un pas indécis,

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