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La momie de la Butte-aux-cailles

La momie de la Butte-aux-cailles

Titel: La momie de la Butte-aux-cailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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facture récente, avaient moins d’intérêt aux yeux de Tasha, qui fut néanmoins très flattée de découvrir une de ses propres natures mortes, un compotier empli de poires et de pommes.
    — Où avez-vous acheté cette gouache ?
    — Je l’ai extorquée à un des amis de Sir Reginald Leamington. Il m’a consenti un rabais, je suis mortifiée de vous l’avouer, mes finances finissent par souffrir de mes folies.
    Elles s’assirent et Félicité Ducrest sonna la bonne pour qu’elle apportât une collation. Un plateau fut promptement posé sur une table de trictrac.
    — Piochez, je raffole de ces canapés au fromage, et je bois toujours un verre de madère avant le souper, mais si vous préférez ce breuvage britannique insipide…
    — Merci, je réserve le thé au petit déjeuner.
    Tasha observa avec une certaine répugnance les lèvres trop rouges de son hôtesse engloutir un canapé.
    — Vous avez fait une grosse impression sur mon neveu, articula Félicité Ducrest. Lorsque tout à l’heure je vous ai aperçue si près du magasin qui l’emploie, j’ai cru… Je me suis trompée, et c’est tant mieux. Michel est adorable, ce n’en est pas moins un coureur de jupons. Il fréquente assidûment les bals publics et me charge ensuite de réparer les bêtises qu’il a commises. Il lui arrive de s’enivrer et de casser des pots que je dois payer. Parfois, il met dans des situations embarrassantes des filles plus niaises que dévergondées. Je suis lasse de consoler ces cœurs cabossés ou, plus concrètement, de leur fournir les noms de faiseuses d’anges. Et puis cela coûte cher.
    Tasha se leva.
    — Je vous rassure, mon mariage est heureux. Toutefois, si la fantaisie me prenait de cocufier mon époux, ce ne serait en aucun cas avec votre neveu. Merci pour la collation et pour la visite, votre collection est superbe ! cria-t-elle, déjà à l’autre bout de l’appartement.
     
    Si les sirènes du mystère n’avaient modulé leur mélopée à l’oreille de Victor, il se fût sans regret dispensé d’affronter une seconde fois la jungle entourant la maison abandonnée, surtout après les tribulations de Joseph. Celui-ci lui fourra de force une bougie entre les doigts et prit la tête de l’expédition.
    — Une statue à tête de chacal, des poissons morts, des restes humains, vous fabulez. Avez-vous conscience qu’il s’agit d’une violation de domicile ? maugréait Victor, quand ils atteignirent un bassin.
    — Éclairez ce coin, là, par terre. Rien, bizarre. Et la poissonnaille… envolée ! Je vous jure que ce n’était pas une hallucination ! Un bon coup de vent, peut-être…
    Dès qu’ils pénétrèrent dans la bâtisse, les narines de Victor furent assaillies par un relent de putréfaction. Sur ce point, Joseph avait été exact, sans doute en avait-il minimisé la pestilence. Engagé dans l’escalier à la suite de son beau-frère, Victor tergiversait : valait-il mieux se pincer le nez ou respirer la bouche ouverte ? Il choisit cette deuxième option, encore qu’il en eût volontiers adopté une troisième, une dérobade éperdue et immédiate. Mais l’image qu’il s’était forgée de lui-même et qu’il avait imposée aux siens, notamment à Joseph, celle d’un enquêteur hors pair, l’empêchait de céder à cette tentation.
    Quand la lueur de sa bougie tremblota craintivement au-dessus des immondices, il étouffa un hoquet.
    — Quelle horreur !…
    — Qu’est-ce qu’on prend ? chuchota Joseph, moins intimidé par ce spectacle qui n’avait plus l’impact brutal d’une première confrontation.
    — Ma parole, on croirait que vous faites votre marché ! N’y touchez pas ! s’exclama Victor à l’instant où son beau-frère s’apprêtait à démailloter une momie de chat. Avons-nous un sac ?
    — Affirmatif, c’est un des cabas de maman.
    — Il faudra impérativement le brûler. Protégez-vous la main avec votre mouchoir, je ne plaisante pas.
    — Bon, entendu. Vous m’aidez, oui ou non ?
    — Je voudrais bien mais mon costume m’a coûté deux cents francs. Chut ! Il y a quelqu’un !
    Un pas feutré effleurait les marches, une ombre se profila. Dans la panique qui s’ensuivit, Joseph subtilisa le plus proche des déchets, l’enfourna dans le cabas et s’élança aux trousses de Victor qui, malgré sa peur, ou à cause d’elle, était passé à l’action et poursuivait l’ombre à travers le parc. Les bougies furent vite

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