Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
ont été montées dans le camp de Valcartier. Nous devons nous y rendre demain, commença Arthur.
    â€” Jusqu’au milieu de l’été, nous allons apprendre à marcher au pas et à tirer du canon, termina son frère.
    â€” À quel moment devez-vous vous embarquer?
    Son plus jeune frère fixa son regard sur le grand crucifix accroché au mur avant de répondre à voix basse :
    â€” Au plus tard au mois d’août, pour l’Angleterre, ensuite nous passerons en France. Je suppose que dès octobre, je commencerai à tirer sur des gens.
    L’homme évoquait ces pays avec l’assurance d’un maître d’école, alors que peu de temps auparavant, leur existence lui paraissait mythique. La domestique se remémora les mots de son patron : avec de la chance, l’Allemagne s’effondrerait avant l’arrivée de ses cadets sur les champs de bataille.
    * * *
    La Fête-Dieu amenait une abondance de fidèles dans la basilique Notre-Dame de Québec. La famille de Thomas Picard, à cause de l’addition d’Évelyne et la promesse de quelques enfants à venir, se répartissait maintenant dans deux bancs voisins donnant sur l’allée centrale.
    Ã‰douard se retournait parfois pour contempler la section de la nef derrière lui. Les jeunes hommes en uniforme, déjà nombreux, le seraient plus encore dans un mois. La plupart d’entre eux affichaient six ou sept ans de moins que lui. Peut-être son impression était-elle fausse, mais leurs regards lui semblaient chargés d’une ironie amusée. Tous les paroissiens connaissaient bien la vie de leurs voisins. Ces braves, fussent-ils conscrits, paraissaient enclins à mépriser les planqués, ceux qui échappaient à l’enrôlement grâce à un mariage vite conclu. Ce sentiment s’alimentait aux articles des journaux, empressés d’auréoler de gloire les hommes faisant « leur devoir ». Leur silence sur les autres équivalait à une condamnation.
    Le jeune commerçant posa brièvement les yeux sur son épouse, debout à ses côtés. La femme gardait les yeux sur son missel, la mine absorbée. Personne ne pouvait deviner si cela tenait au recueillement ou à une inquiétude sourde.
    Â«Â Cela en valait-il la peine? »
    Marié depuis peu, bien vite père de famille, Édouard se posait fréquemment la question. Le port de l’uniforme et surtout la participation à un conflit lointain lui avaient paru assez effrayants pour le précipiter vers la vie conjugale. Cette existence pesait déjà sur ses épaules.
    Son attention revint vers l’office religieux. Le cardinal Bégin, vieillard affligé d’une santé fragile, abandonnait parfois à d’autres la célébration des fêtes religieuses, physiquement trop exigeantes. M gr Marois le remplaçait de belle façon, entouré des élèves du Grand Séminaire faisant office de servants de messe. Le chœur s’encombrait en plus d’une vingtaine de prêtres. Ces soldats du Christ aimaient afficher la richesse de leurs effectifs, les jours de fête. Le temple s’ornait de longues banderoles blanches et or et de drapeaux aux mêmes couleurs.
    Bientôt, tout ce beau monde traversa l’allée centrale dans un ordre parfait, pour sortir par les grandes portes. Le célébrant se parait d’un châle or lui couvrant les mains. De cette façon, sa peau n’entrerait pas en contact direct avec l’ostensoir. Il tenait la pièce d’orfèvrerie rutilante à la hauteur de sa poitrine. Sur le parvis, le prélat se trouva sous un dais porté par quatre personnes. Les ecclésiastiques viendraient tout de suite après lui dans la procession, flanqués de gamins revêtus d’une aube, munis d’un encensoir ou alors d’une petite lanterne fichée au bout d’un bâton.
    La longue procession se forma derrière eux, suivant un ordre soigneusement planifié pour l’édification des fidèles et le respect de la hiérarchie. Dans ce grand contingent, quelques personnes recevaient une attention particulière : les membres des congrégations religieuses, hommes ou femmes, méritaient presque autant d’égards que les prêtres. D’autres participants devaient toucher les sensibilités, comme

Weitere Kostenlose Bücher