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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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n’a rien de bien remarquable. Mais avant moi, cela mérite d’être souligné. Je vous souhaite donc la bienvenue, mademoiselle Poitras, et de nombreuses années avec nous.
    Il lui serra la main tout en l’examinant avec soin. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. Ses cheveux bruns plutôt courts bouclaient sur son crâne. Ses yeux de même couleur, vifs et rieurs, laissaient deviner une grande intelligence. En contradiction avec son bon accueil, le patron lui trouvait deux défauts impardonnables : un fort joli minois et une silhouette à l’avenant. Fallait-il pour cela lui faire grise mine? De nouveau avec le sourire, il conclut :
    â€” Je vous laisse reprendre votre travail. Mon fils vous a-t-il déjà donné de quoi vous occuper?
    â€” Une pile de lettres destinées à des fournisseurs. J’ai les noms, les produits, les quantités, je fouille dans les classeurs pour trouver le ton juste.
    â€” Vous connaissez déjà ce genre de travail?
    â€” Je faisais un peu la même chose au camp militaire de Valcartier. Vous ne pouvez deviner combien de nourriture, de vêtements, de munitions nous commandions chaque semaine. Pour être franche, les noms de plusieurs des directeurs des ateliers me sont déjà familiers.
    L’emploi précédent signifiait que la demoiselle connaissait l’anglais et pouvait tolérer la pression. Les militaires ne passaient pas pour les patrons les plus patients.
    â€” Pourquoi avez-vous abandonné ce travail?
    â€” La guerre ne durera pas toujours. Dans quelques mois, je me serais retrouvée au chômage. J’ai préféré devancer les événements.
    â€” Vous avez jugé que ce magasin jouissait encore d’un petit avenir, remarqua l’homme.
    â€” Sous votre direction, un avenir très long.
    Les yeux pétillants d’amusement faisaient pardonner les paroles flagorneuses.
    â€” Vous savez parler aux vieux commerçants, mademoiselle Poitras. Cette fois, c’est vrai, je vous laisse retourner à votre clavigraphe. Bonne journée.
    â€” Bonne journée, Monsieur.
    Thomas s’enferma dans son bureau. Une demi-heure plus tard, il entendit le bruit d’une conversation dans l’antichambre, puis un rire féminin en cascade. Édouard pénétra enfin dans la pièce, ferma la porte derrière lui avant de demander à voix basse :
    â€” Qu’en penses-tu?
    â€” Bien trop jolie. Tu devrais la renvoyer tout de suite. Le jeune homme demeura interdit un moment. Il choisit de considérer ces mots comme une boutade. Il continua :
    â€” Elle est très intelligente. En fin de journée hier, elle comprenait mieux que moi le système de classement de Couture.
    â€” À ta place, je ne me vanterais pas trop de cela. Tu travailles ici depuis des années. Si tu n’as pas encore compris…
    Sans se formaliser de la remarque, le directeur du magasin prit place sur la chaise des visiteurs, croisa les jambes et déclara finalement, sur un ton moqueur :
    â€” Bon, entends-tu lui faire la guerre? Ou me la faire à moi?
    â€” … Non, pas du tout. Mais cette charmante jeune personne, visiblement intelligente et compétente, me rappelle une gamine appelée Clémentine LeBlanc.
    L’entrepreneur marqua une pause, puis reprit avec impatience :
    â€” Jésus-Christ, cette histoire s’est terminée il y a quelques semaines à peine, et voilà que tu postes une jeune beauté à dix pas de ce fauteuil.
    â€” Cela n’a rien à voir. C’est une employée. Selon toi, j’aurais dû prendre une personne moins compétente parce que celle-là est trop jolie. Elle déclassait nettement les autres.
    Thomas demeura songeur. Flavie était possiblement plus efficace que les autres candidates. Son charme ne la rendait pas inapte à travailler dans un bureau. À la fin, il murmura :
    â€” Tu as une femme et un enfant. Ne l’oublie pas.
    â€” Comment le pourrais-je?
    La voix chargée de dépit de son fils déprima encore plus le propriétaire. À la fin, Édouard se leva en déclarant :
    â€” Flavie représente un joli sujet de conversation, mais je dois faire le tour de tous les rayons. Je compte tenir à l’œil tous ces petits chefs.
    Un peu plus, et il reprochait à son père de le détourner de son travail.
    * *

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